Admirée par certains, détestée par d'autres, la Pyramide du Louvre est l'un des monuments les plus controversés de l'Histoire de France. Retour sur l'incroyable histoire qui se cache derrière cette pyramide de verre, qui fêtera son trentième anniversaire à partir du 29 mars prochain.
La genèse
Tout a commencé le 31 juillet 1981, quand un certain Jack Lang, fraîchement nommé ministre de la Culture, envoie un missive au président Mitterrand pour lui faire part d'«une idée forte à mettre en chantier : recréer le Grand Louvre en affectant le bâtiment tout entier aux musées». «Bonne idée mais difficile à réaliser comme les bonnes idées», se contente de griffonner le président.
«Cause toujours, ça ne se fera pas», estime alors Jack Lang. En effet, à l'époque, le ministère des Finances était installé dans une aile du musée, côté Rivoli. «Le puissant ministère ne se laissera pas découronner, pense-t-on alors», se souvient l'ex-ministre de la Culture, interrogé par l'AFP.
Mais Jack Lang ne se décourage pas. «Le musée était handicapé par l'absence d'entrée centrale. L'idée initiale était de faire entrer les visiteurs au milieu, et de couvrir cette entrée», explique-t-il. «Avec François Mitterrand, nous avons l'idée de faire appel à Pei. Le président avait admiré ses œuvres aux États-Unis».
Ieoh Ming Pei et fils à la rescousse
De passage aux États-Unis, François Mitterrand avait en effet eu l'occasion de croiser le chemin des nombreux bâtiments signés Ieoh Ming Pei. C'est cet architecte sino-américain qui était à l'origine, entre autre, de la bibliothèque présidentielle Kennedy de Boston, de l'hôtel de ville de Dallas, du gratte-ciel futuriste, le 200 Clarendon Street de Boston.
Certain du talent de l'architecte, le président Mitterrand lui donne carte blanche, à lui et à son fils. Après des mois de travail acharné, Pei père et fils reviennent à l'Élysée en 1983, leurs prototypes sous les bras. «Nous avions des instructions : ne pas montrer la maquette à personne, ça devait rester secret secret», a raconté Chien Chung Pei, à France 2. Soudain, Ieoh Ming Pei pose un intrigant triangle sur la table. «Il était tout de suite d'accord», assure Pei fils.
La révélation
Quand France Soir publie la maquette en 1984, tout le monde croit à une blague. «C'est une explosion de hurlements», se souvient Jack Lang, toujours interrogé par l'AFP. Mais le président décide de les ignore. «Une réunion a lieu à l'Élysée en 1984 : Mitterrand était très prudent, mais d'accord pour qu'on continue», a expliqué l'architecte Michel Macary.
Les critiques sont sans pitié : «Cette pyramide de pacotille, comme une verrue sur un noble visage», estime un lecteur du Monde, «Un gadget pyramidal de M. Pei», dénonce le journaliste Pierre Mazars dans Le Figaro, tandis que son confrère du Monde André Fermigier y voit «une maison des morts». Même Michel Guy, ancien secrétaire à la Culture, décide de faire une pétition.
Commencent alors les fouilles et autres travaux. «Mitterrand s'est vraiment impliqué, est allé plusieurs fois visiter le chantier», d'après son ancien ministre de la Culture.
Finalement, le 4 mars 1988, quelques semaines après son premier septennat, François Mitterrand inaugure sa pyramide tant attendue. Et le public est dythirambique : «Magnifique», «Joli de l'extérieur, joli de l'intérieur».
La consécration
Voilà maintenant trois décennies que la pyramide du Louvre fait partie du paysage parisien. Depuis, la popularité du musée ne se dément pas (avec 10,2 millions de visiteurs en 2018, une hausse de 25%), mais beaucoup viennent autant pour les œuvres que pour l'entrée elle-même.
Pour fêter cet anniversaire comme il se doit, plusieurs artistes seront invités : JR (qui avait fait disparaître la Pyramide en 2016), Pierre Soulages, Elias Crespin...
Des événements populaires et gratuits seront ensuite organisés, puis trois demi-journées d'étude les 29 et 30 mars.