Ni éloge funèbre ni couronnes : conformément à ses volontés, aucune cérémonie religieuse ni hommage populaire ne seront organisés avant la probable crémation de Karl Lagerfeld, dont les ultimes collections seront présentées jeudi à la Fashion Week de Milan et le 5 mars à celle de Paris.
«Ses souhaits seront respectés», a indiqué mercredi à l'AFP une porte-parole de la marque qui portait le nom du couturier star, disparu mardi à 85 ans.
Le «Kaiser», qui affirmait avec humour préférer «plutôt mourir» que d'être enterré, car il trouvait «horrible d'encombrer les gens avec ses restes», avait plusieurs fois évoqué sa volonté d'être incinéré.
«J'ai demandé à ce que l'on m'incinère et que l'on disperse mes cendres avec celles de ma mère... et celles de Choupette (sa chatte, ndlr), si elle meurt avant moi», avait confié l'homme aux célèbres catogan et lunettes noires, à la revue Numéro en avril 2018.
Comme il le voulait, ses cendres devraient également rejoindre une partie de celles de Jacques de Bascher, le dandy qui fut son grand amour jusqu'à sa mort du sida en 1989. L'autre moitié des cendres avait été remise à la famille de Bascher, dans une urne réalisée tout spécialement, a rappelé Le Monde mercredi.
Ces cendres «sont dans un endroit gardé secret. Un jour, on y ajoutera les miennes», avait confié Karl Lagerfeld à Marie Ottavi dans la biographie «Jacques de Bascher, dandy de l'ombre», parue aux éditions Séguier en 2017.
Pas d'enterrement donc. Mais pas plus de funérailles. «Depuis ces sombres histoires de la famille Hallyday, les obsèques à la Madeleine ont tout l'air d'une farce», avait-il fustigé dans Numéro, en référence à l'immense hommage populaire rendu à Johnny le 9 décembre 2017.
En dépit de son dédain de notoriété publique pour les hommages, les témoignages élogieux n'ont cessé de saluer sa mémoire depuis mardi, de la part de célébrités de la mode,grands de ce monde, anonymes.
Après avoir évoqué sa «personnalité créative hors du commun», dans le communiqué annonçant son décès, la maison Chanel, dont il était le directeur artistique depuis 36 ans, a sobrement posté sur son site internet une photo du créateur, de profil, en noir et blanc, sans légende.
Défilés d'hommage ?
Fendi, dont il était également à la tête de la création depuis 1965, en duo avec Silvia Venturini Fendi, a fait publier mercredi dans plusieurs journaux italiens ainsi que dans le Financial Times une autre photo de Lagerfeld, en couleur, avec ce message : «Merci Karl pour le plus beau des voyages. Avec tout notre amour, ta famille Fendi».
«La France doit tant à cet esthète qui a marqué de son génie créatif l’imaginaire de notre pays et l’a fait rayonner dans le monde entier», avait souligné mardi soir l'Elysée.
«C'est une toute autre époque de la mode et de la haute couture qui disparaît, avait réagi auprès de l'AFP Inès de La Fressange, qui fut la première et la plus emblématique de ses égéries. Karl était extrêmement créatif et prolixe. Il n'a jamais voulu s'endormir sur ses lauriers.»
Preuve s'il en est, ces dernières semaines, selon Le Monde, il dessinait encore la nouvelle collection de prêt-à-porter pour Fendi, présentée ce jeudi à Milan, et celle pour Chanel, de concert avec Virginie Viard son bras droit désignée dès mardi pour lui succéder, qui sera dévoilée à Paris le 5 mars.
Ses ultimes créations survivront au «Kaiser», parti avant même de pouvoir les voir défiler sur les podiums qui ont fait sa gloire depuis plus de cinquante ans.
Déjà affaibli par la maladie, il n'était pas venu saluer le public à la fin des défilés de haute couture du 22 janvier à Paris. Une première depuis ses débuts chez Chanel en 1983.
Interrogée par l'AFP, la maison de la rue Cambon ne s'est pas exprimée sur l'éventualité d'un hommage pouvant être rendu lors de la prochaine Fashion Week parisienne. Même silence, chez Fendi à quelques heures du défilé milanais.
Rien n'indique toutefois que ces deux griffes, comme d'autres, respectent les dernières volontés du dernier des géants de la haute couture, qui n'aspirait qu'à «disparaître comme les animaux de la forêt vierge».