Le directeur artistique de la maison Chanel a marqué son univers, autant par son talent que par son caractère.
Cheveux poudrés en catogan, bagues massives en argent, mitaines et lunettes noires vissées sur le nez… Karl Lagerfeld se démarquait par son génie, mais également par son look de marquis extravagant, dont il avait fait sa marque de fabrique. Véritable icône mondiale, l’illustre couturier allemand et directeur artistique de la maison Chanel, qui n’avait pu assister à son dernier défilé, en janvier, est mort hier, à Neuilly-sur-Seine, à l’âge de 85 ans. Il laisse derrière lui des milliers de créations et des muses en deuil, comme l’ancien mannequin Claudia Schiffer ou son égérie parmi toutes, Inès de La Fressange.
De Jean Patou à Chanel
En près de soixante ans d’une carrière hors norme, l’homme, obsédé par le style et la matière, a bouleversé les codes du vestiaire féminin. Une audace qui l’a poussé à revisiter les classiques tailleurs en tweed gansé ou encore les sacs à main matelassés. De Jean Patou à Fendi, en passant par Chloé, Chanel et la griffe portant son nom, le «Kaiser», insatiable, visionnaire et revendiquant une «mentalité de mercenaire», n’a eu de cesse de dépoussiérer la mode et d’imaginer des défilés aux scénographies grandioses.
Son plus grand fait d’armes : organiser, sur la Grande Muraille de Chine, le «premier défilé visible depuis la Lune», selon lui, en 2007. A l’image de son ancien ami devenu rival, Yves Saint Laurent, avec qui il s’était brouillé à tout jamais en 1954, Karl Lagerfeld savait comme personne capter son époque et osait s’aventurer hors des murs des grandes maisons luxueuses de haute couture. Cultivant aussi l’art des affaires, la tendance urbaine l’inspirait, comme en témoigne sa collaboration avec la marque suédoise de prêt-à-porter, H&M, en 2004.
Une icône pop et planétaire
Ce génie aux répliques assassines, qui n’hésitait pas à clamer que «personne ne veut voir des femmes rondes sur les podiums», vivait sa vie telle une rock star. Jets privés, plateaux télé et perte de 43 kg pour entrer dans les vêtements d’Hedi Slimane… Tout était extravagance. A un détail près. Il préférait le Coca-Cola Light – dont il avait signé une édition limitée à son effigie – à l’alcool et à la drogue. «Conforme, c’est un mot qui commence mal. Je fuis la banalité et les lieux communs», confiait-il en 2009 au Figaro.
Karl Lagerfeld fuyait aussi l’ennui, multipliant les casquettes de photographe, réalisateur et éditeur. Quand on l’interrogeait sur ses funérailles, il répondait : «Quelle horreur ! Plutôt mourir.» Il se considérait pourtant comme «un oiseau de passage qui arrive, part et repart», sans rendre de comptes à personne. Si ce n’est à Choupette, sa chatte et unique héritière. Une relation fusionnelle qui aurait certainement rendu jaloux son grand amour, Jacques de Bascher, disparu en 1989.