«Autoritarisme» ou «confiance» : l'Assemblée a donné lundi 10 février le coup d'envoi des débats sur le projet de loi Blanquer, vanté comme porteur de «justice sociale» par le gouvernement, mais accueilli fraîchement par les oppositions, comme les syndicats d'enseignants.
Instruction obligatoire abaissée de 6 à 3 ans, refonte de la formation, nouvelles écoles internationales, devoir d'«exemplarité», mais aussi nouveau Conseil d'évaluation : le ministre de l’Éducation Jean-Michel Blanquer a défendu devant un hémicycle clairsemé un premier texte du quinquennat sur l'école ayant pour «clé de voûte» de «libérer, responsabiliser, unir».
Voyant dans l'école «la réponse fondamentale» aux défis contemporains,cet ex-directeur général de l'enseignement scolaire sous Nicolas Sarkozy, devenu un poids lourd de la macronie, a défendu les deux objectifs de son projet «pour une école de la confiance» : «élévation du niveau général et justice sociale».
Mais de la gauche de l'hémicycle à sa droite, le texte, au menu des députés jusqu'à vendredi avant un vote solennel mardi 19 février, est critiqué. LFI comme LR ont tenté d'écourter les débats avec des motions.
Comme certains syndicats enseignants, la gauche dénonce un projet éducatif «rétrograde» (PS), au ton «autoritaire» et avec une communication «orwellienne» du ministre (PCF), ou encore un projet «désespérant» qui met en place «une start-up éducation» (LFI).
Les Républicains, qui ne voteront pas le projet de loi, ne sont «pas convaincus» par sa mesure phare sur l'instruction obligatoire, leur orateur Frédéric Reiss critiquant «une loi d'affichage», tandis que Patrick Hetzel estime que derrière un «fourre-tout» apparent se cache «une inquiétante volonté de reprise en main de l'ensemble du système éducatif».
Drapeaux dans les classes
Lundi soir, dès le premier article qui rappelle notamment le devoir «d'exemplarité» des enseignants, les oppositions ont été vives. Les trois groupes de gauche ont tenté de le supprimer, déplorant une loi qui commence dans la «défiance» avec une volonté de «museler» les profs.
A droite, plusieurs élus ont formulé des doutes sur l'utilité de cet article, considéré comme de la «communication» par Fabien Di Filippo (LR).
M. Blanquer a défendu cette mesure «de principe» avec «un petit peu de tristesse», en reprochant à ses détracteurs de droite comme de gauche d'«entretenir» la crise de défiance que connaît le pays.
Le sujet des violences scolaires sur lequel le gouvernement a annoncé en octobre un plan qui se fait attendre, a aussi animé la soirée, Eric Ciotti (LR) a défendu un amendement prévoyant des sanctions pouvant aller jusqu'à la suspension des allocations familiales, mesure dénoncée comme «révoltante» à gauche.
Tout en jugeant le problème «bien réel», M. Blanquer a renvoyé aux travaux en cours sur le sujet, promettant qu'ils déboucheraient sur une «double dimension» : «soutien à la parentalité», mais aussi des «sanctions», dont la nature reste à préciser.
Les députés ont ajouté en séance, en réécrivant un amendement LR, la présence «obligatoire» dans les classes du drapeau tricolore, du drapeau européen, ainsi que des paroles du refrain de l'hymne national, la gauche s'insurgeant d'un vote hâtif sur cette mesure.
Les députés n'ont pas abordé l'examen de la mesure phare du projet prévue à l'article 2: l’instruction obligatoire dès 3 ans. Vantée comme «emblématique» par le ministre, cette mesure dénoncée par le RN comme un «gadget électoraliste», fait crier LR «à l'injustice», les collectivités devant à l'avenir financer les maternelles privées sous contrat. La gauche y voit un «cadeau» au privé. Le gouvernement, qui promet de compenser le surcoût pour les communes, évoque 100 millions d'euros.
La possibilité de confier aux assistants d'éducation (ex-«pions») des «missions d'enseignement» promet aussi de faire débat. «Mesure sociale» qui permettra «d'accompagner financièrement de futurs professeurs», selon le ministre, elle est décriée par la gauche comme une façon d'«ubériser le métier d'enseignant».
Autre point litigieux encore à débattre: la création du Conseil d'évaluation de l'école (CEE). Si le ministre récuse toute «évaluation punitive», mais plutôt une «évaluation-levier», PCF, PS ou LR dénoncent la mise en place d'une structure «à sa botte».