Une véritable addiction. Des passagers du métro rivés sur leur écran, les touristes qui se contorsionnent pour faire un selfie, un groupe d’ados en train de pianoter sans se parler… Formidable outil de communication, le téléphone portable est devenu un outil omniprésent du quotidien, parfois à outrance. A tel point qu’une Journée mondiale sans téléphone portable a été créée. Celle-ci, qui se déroule aujourd’hui, a pour objectif de faire prendre conscience du lien dangereux existant entre l’homme et la machine.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Deux Français sur dix estiment inenvisageable de se séparer de leur téléphone portable ne serait-ce qu’une journée, dévoilait hier une étude de Recommerce, société de reconditionnement de smartphones. Pour un quart d’entre eux, un véritable état de «manque» se ferait même ressentir.
Si toutes les tranches d’âge de la population sont touchées (une personne de plus de 65 ans sur cinq ne peut s’en passer durant 24 heures), les jeunes sont évidemment les plus attachés à leur smartphone. Près de la moitié (43 %) des 18-24 ans se disent tout simplement incapables de vivre sans. Pour eux, comme pour nombre d’adultes, «c’est un moyen de retrouver du lien social» dans une société où les échanges directs sont moins fréquents, explique le sociologue Michel Fize, auteur de J’aide mon adolescent à grandir (éd. Eyrolles). Se connecter tous les soirs à Instagram, Facebook ou Snapchat agit ainsi comme un «brise solitude, un moyen de parler de soi, de se mettre en avant». Une manière d’exister, mais autrement. Jusqu’à, pour certains, «poster» une grande partie de sa vie sur les réseaux sociaux, et cultiver sa notoriété digitale.
«Nous regardons notre téléphone en moyenne 150 fois par jour», ajoute Philippe De Azevedo, addictologue à la clinique des Platanes, en région parisienne. Cette peur de lâcher son appareil a même entraîné l’apparition du terme de «nomophobie», désigné par le Cambridge Dictionary comme le mot de l’année 2018. Le téléphone est donc comme un «nouvel organe», détaille le médecin, quand d’autres évoquent un véritable «doudou» numérique. Se connecter à son smartphone deviendrait par conséquent aussi naturel que boire et manger. Ainsi, un Français sur cinq indique qu’ils préfèrent se passer de nourriture plutôt que de son appareil, et 41 % préfèrent même leur précieux objet au sexe.
Des actions limitées
Face à cette omniprésence, les pouvoirs publics sont à la peine. En réponse aux experts pointant les risques pour les plus jeunes, comme des troubles du comportement, de la concentration, ou un sommeil perturbé, le gouvernement a interdit à la dernière rentrée la présence du téléphone dans les écoles et collèges français. Il est aussi ciblé par la Sécurité routière. Alors que 30 % des conducteurs avouent ne pas pouvoir s’empêcher de l’utiliser au volant, la législation devrait encore se durcir en 2019. Et sur le plan individuel, de plus en plus de personnes n’hésitent pas à se séparer volontairement de leur appareil, à la manière d’un sevrage. Des entreprises vont ainsi jusqu’à proposer des stages de «désintoxication» aux écrans. Preuve que le mal peut être profond.