Alors que le grand débat voulu par Emmanuel Macron en réponse à la crise des gilets jaunes a été lancé le 15 janvier dans l'Eure, plusieurs propositions arrivent en pole position.
Quatre thématiques (transition écologique, fiscalité, organisation de l'Etat et citoyenneté) seront au menu de la concertation, selon l'Elysée. Mais, au vu des revendications des gilets jaunes et des cahiers de doléance mis à la disposition des citoyens dans quelque 5.000 mairies du pays, c'est sans conteste les enjeux du pouvoir d'achat – le nerf de leur guerre –, de la justice fiscale ou encore de la sauvegarde des services publics qui devraient primer.
Une «remise à plat» de la fiscalité
Ainsi, en Seine-Maritime par exemple, dont les communes ont été parmi les premières à avoir bloqué routes et ronds-points, la question financière est au cœur des préoccupations, rapporte le site actu.fr. «Le premier [chapitre des contributions], majoritaire, concerne le pouvoir d'achat, celui des agriculteurs et des retraités. Ils demandent aussi la hausse du Smic, la baisse de la CSG», affirme Emile Canu, maire PS d'Yvetot, qui précise que ces revendications «ne sont pas nouvelles».
Dans le viseur, donc : les taxes. «Ils veulent une remise à plat de la fiscalité» pour la rendre plus juste, et notamment de la TVA, qui ne fait aucune distinction entre les plus et les moins fortunés, avance Virginie Carolo, maire DVD de Port-Jérôme-sur-Seine. Toujours en matière fiscale, les citoyens ne remettent pas en question le consentement à l'impôt, mais exigent qu'il s'accompagne, dès lors, de services publics efficaces (et non pas de coupes budgétaires).
De même, ils souhaitent que le Crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) ne soit attribué qu'aux petites et moyennes entreprises, et non plus aux grands groupes. Une proposition consacrée dans le chapitre «rétablissement de l'impôt sur la fortune et la lutte contre l'évasion fiscale» du cahier de doléances d'Yvetot.
Le référendum en clef de voûte
Autre exemple, dans les Yvelines, ce sont des thèmes plus politiques qui ont été mis sur la table. Comme la prise en compte du vote blanc, la diminution du nombre de parlementaires, ou encore la suppression des avantages des anciens présidents et Premier ministres. Sur le plan fiscal, la taxation des GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon, etc.) et le retour de l'ISF (plus de deux tiers des Français y sont favorables, selon l'Ifop) sont également plébiscités.
Autant de mesures qui sont préconisées par l'opposition de gauche. A commencer par Laurent Berger, secrétaire générale de la CFDT, qui imagine une tranche supplémentaire d'impôt sur le revenu, la Fondation Jean-Jaurès, qui prône de relever la taxation des revenus du capital de 30 à 40 %, ou encore le think-tank Terra Nova, qui veut modifier le barème des droits de succession.
Autre proposition récurrente : la possiblité d'organiser des référendums d'initiative citoyenne (RIC), de manière à associer davantage le citoyen aux décisions. Le principe ? Tout citoyen pourrait être à l'initiative d'une loi, qu'elle soit législative, abrogatoire, révocatoire ou constituante, dans le cas où elle aurait au préalable regroupé un nombre suffisant de signatures des Français avant d'être soumise à référendum.
des avancées sociétales dans le marbre
D'autres sujets pourraient bien se greffer aux débats, alors même qu'ils n'ont rien à voir avec les revendications des gilets jaunes. A titre d'exemple, l'abrogation de la loi Taubira sur le mariage pour tous arrivée en tête d'une consultation en ligne réalisée par le Conseil économique, social et environnemental, du fait de la mobilisation massive des militants de la Manif pour tous. Mais le porte-parole du gouvernement, Benjamin Griveaux, a tenu à assurer, mercredi, que l'IVG, le mariage gay et la peine de mort – objets de réformes sociétales emblématiques – ne seront «pas sur la table» du grand débat.
L'IVG, la peine de mort et le mariage pour tous "ne sont pas sur la table" du grand débat national et "il n'est pas question" de revenir sur ces "avancées conquises de haute lutte", a déclaré mercredi le porte-parole du gouvernement, Benjamin Griveaux #AFP pic.twitter.com/OgnXZi26Ea
— Agence France-Presse (@afpfr) 9 janvier 2019
Reste que, quel que soient les propositions phares, Emmanuel Macron a déjà tracé des lignes rouges : pas question de «détricoter» les réformes décidées depuis 18 mois, comme la suppression de l'ISF, ni de renoncer aux réformes prévues (retraites, fonctionnaires, minimas sociaux...). Le cap étant donc fixé à l'avance, l'opposition et certains gilets jaunes doutent déjà ouvertement de l'utilité de ce «grand débat». A tel point qu'un acte IX est actuellement en préparation pour ce samedi 12 janvier.