Quelques verres de trop, un retour au petit matin, fourbu, sur des routes parfois privées de radars récemment dégradés: à l'orée du réveillon, dernière «nuit à risques» de l'année, associations et pouvoirs publics se mobilisent pour lutter contre ce «cocktail mortifère».
«On vient me chercher en voiture et j'espère convaincre quelqu'un de ne pas trop boire pour me ramener», explique Janilson Cardoso, 25 ans, qui réveillonnera à Antony (Hauts-de-Seine). Pas d'alcool pour ce médiateur dans les transports en commun : «je n'aime pas le goût».
Un constat que ne partage pas 87% des Français qui comptent agrémenter de vins et autres spiritueux le passage à la nouvelle année, en famille ou avec des amis, selon une étude annuelle réalisée par les associations Prévention routière et Attitude Prévention.
Une très large majorité des noceurs (64%) prévoient même de boire trois verres ou plus d'alcool, avec une consommation moyenne de quatre verres, soit deux fois la limite autorisée. En 2017, l'alcool était impliqué dans 30% des accidents mortels sur la route, tuant 1.035 personnes, selon la Sécurité routière.
A l'alcool s'ajoutera la fatigue, qui pourrait davantage peser cette année. «Avec un réveillon un lundi soir, on a une configuration spécifique, avec un risque de somnolence et de dette de sommeil chez ceux qui retournent au travail dès le 2 janvier», s'inquiète Anne Lavaud, déléguée générale de Prévention routière.
Autre inquiétude des associations et des autorités : la destruction de nombreux radars ces dernières semaines par des «gilets jaunes». «Ça donne un sentiment de liberté, de fin des règles", déplore Emmanuel Barbe, délégué interministériel à la Sécurité routière.
Les radars automatiques ont permis de sauver 23.000 vies entre 2003 -date d'installation des premiers appareils- et 2012, selon la Sécurité routière.
«Les gens réveillonnent souvent près de chez eux. Ils savent où sont les radars et qu'ils ne sont plus efficaces. Or, l'alcool et la vitesse, c'est un cocktail mortifère», abonde Anne Lavaud.
«Piquer les clefs»
Lors du dernier réveillon, 17 personnes avaient perdu la vie, loin des 42 tués en moyenne entre 2001 et 2005, selon la Sécurité routière. Des progrès qui n'empêchent pas certains clichés d'avoir la vie dure.
Enchaîner les tasses de café, prendre un itinéraire bis fait de petites routes, avaler un litre d'eau et un bonbon à la menthe «n'a jamais fait baisser l'alcoolémie», ironise Anne Lavaud, déplorant que «trop de Français restent sur ces fausses bonnes idées». Selon l'étude, seuls 44 % des Français concernés le soir du réveillon par le danger de l'alcool au volant, pour eux-mêmes ou leur entourage, «ont pris des dispositions particulières» pour rentrer.
Pour le reste, «c'est le flou artistique», constate Éric Lemaire, vice-président d'Attitude Prévention. Ceux qui promettent de se limiter à un ou deux verres ne sont pas à l'abri : «les verres à la maison sont souvent beaucoup plus importants» que les doses réglementaires servies dans les bars, rappelle M. Lemaire. «On ne sait jamais ce qu'on a vraiment bu».
L'option «patience» avant la reprise de la route est elle aussi aléatoire: plus d'un Français sur deux (52%) ignore qu'il faut une à deux heures pour éliminer un verre d'alcool.
«La meilleure solution, c'est de dormir sur place», tranche Anne Lavaud. De plus en plus de Français font ce choix (32%) ou désigne un «Sam», un capitaine de soirée qui ne boira pas ou peu (28%), se félicite-t-elle.
Un message martelé également par le gouvernement à travers sa traditionnelle campagne («Quand on tient à quelqu'un, on le retient») soutenue par des personnalités et animateurs vedettes qui ont prêté leurs voix ou se sont mis en scènes dans des spots diffusés à la radio et la télévision.
Face à un ami qui insiste, «il ne faut pas céder, quitte à être intrusif, à lui piquer ses clefs», recommande Emmanuel Barbe, car «la sécurité routière est une science impitoyable, tout relâchement se paye cash, en vies humaines».