«C'est n'importe quoi !» Venus de toute la France manifester leur mécontentement dans une capitale en état d'alerte maximale, de nombreux «gilets jaunes» faisaient part samedi après-midi de leur déception devant les heurts et la casse qui émaillent les manifestations.
Après une matinée relativement calme, plusieurs secteurs étaient le théâtre d'échauffourées notamment dans le quartier des Champs-Elysées : vitrines brisées, boutiques ou cafés pillés, voitures ou scooters cassés ou incendiés...
«Qu'ils pètent les banques, les multinationales j'en ai rien à branler, mais les petits magasins, les commerces des particuliers, c'est vraiment bête», peste Anthony, 23 ans, préparateur de commandes, au vu des affrontements très mobiles à proximité de la célèbre avenue.
«Ça part en couilles, c'est n'importe quoi», déplore sa compagne, déçue par ceux qui viennent «juste pour casser» et décrédibilisent le mouvement.
Des blindés de la gendarmerie éteignent les barricades enflammées érigées par des manifestants, aux jets de pavés et de projectiles répondent les tirs de lacrymogènes.
Régulièrement, les manifestants crient «Macron démission», «Macron en prison», des insultes à l'égard de Brigitte Macron, ou chantent la Marseillaise. D'autres invectivent les médias.
Des «gilets jaunes» redressent des sapins couchés au sol, versent un peu d'eau sur les feux. Non loin, un jeune porte un pavé à peine dissimulé sous son blouson.
Sur l'avenue Marceau, des affrontements éclatent et des casseurs sont à l'oeuvre sous les huées de certains «gilets jaunes» : «On ne veut pas de casse ! Arrêtez !»
Des jeunes sans gilet pillent un magasin de golf. «On a essayé de s'interposer mais on a été menacé», regrette Laurent, un mécanicien de 37 ans.
«Nique l'Etat, nique le Smic !», crie un jeune manifestant. Un «gilet jaune» ramasse une grenade lacrymogène usagée en «souvenir».
«A quand l'Elysée ?»
Sur le boulevard Haussmann, une foule de «gilets jaunes» dont les premiers rangs reculent régulièrement face aux blindés jette des projectiles et renvoie des grenades. «Montez sur les Champs, les mecs !», crient plusieurs personnes un peu plus loin.
Régulièrement, des «gilets jaunes» au contact des casseurs se disent qu'il faudrait décamper. Devant un supermarché, un tag : «La planète brûle, à quand l'Elysée ?»
Sur l'avenue des Champs-Elysées à proprement parler, la situation restait tendue en fin d'après-midi après des échauffourées au niveau du Drugstore Publicis et dans une rue perpendiculaire.
La plupart des manifestants venus pacifiquement, plutôt jeunes, mettent en avant leurs revendications pour plus de pouvoir d'achat, de nouvelles pratiques politiques. Une ovation retentit quand s'illuminent les décorations de Noël.
Des manifestants brandissent un drapeau frappé de trois dates: 1789, 1968, 2018. Sur les gilets, des slogans anti-Macron, une mise en garde : «Ce n'est qu'un début», ou encore, moins fréquent, le message d'un «gilet jaune écolo» : «Oui à la planète, non au racket fiscal.»
Au dos du gilet d'un magasinier venu de Bourges, «Fini le temps des oppresseurs, passe la main aux opprimés». Cet homme de 36 ans est venu «réclamer plus de justice sociale».
«On ne cautionne pas la violence», assure-t-il, «mais on constate malheureusement qu'il n'y a que les débordements qui poussent le gouvernement à réfléchir sur sa politique injuste, qui creuse les inégalités et met nombre d'entre nous la tête sous l'eau».
Il y a aussi Christophe, un cuisinier de Lorient, qui est venu tous les samedis à Paris depuis le début de la mobilisation. «On est là pour demander moins de taxes mais aussi pour qu'ils se serrent un peu plus la ceinture là-haut. Ils ont encore de la marge.»
«Un jour vous serez avec nous !», dit un «gilet jaune» à des CRS. Certains crient «Visez l'Elysée les gars !»
Vers 17H00, de nombreux manifestants semblaient se disperser, pas les casseurs présents parmi eux.