L'Assemblée nationale à voté dans la nuit de jeudi à vendredi une proposition de loi de portée largement symbolique visant à interdire les "violences éducatives ordinaires", comme les fessées ou gifles.
Le texte, porté par le groupe MoDem, a été adopté en première lecture par 51 voix contre 1. Il vise à inscrire dans le Code civil, à l'article lu lors des mariages, que "l'autorité parentale s'exerce sans violences physiques ou psychologiques". Le texte ne prévoit pas de nouvelles sanctions pénales car elles existent déjà, et a une "visée pédagogique", de l'aveu même de la rapporteure centriste Maud Petit.
Selon la Fondation pour l’Enfance, 85% des parents français ont recours à des violences dites éducatives. La proposition MoDem réclamait au gouvernement un "état des lieux" sur le sujet avant septembre 2019. Les tenants de l'interdiction mettaient notamment en avant, études à l'appui, les conséquences sur la santé physique et mentale des enfants.
Il s'agit, a expliqué la rapporteure, de "mettre un terme définitif à la possibilité pour les juges de reconnaître un droit de correction hérité du XIXe siècle qui n'a pourtant aucune existence en droit pénal".L'interdiction formelle permettrait également à la France d'être "en conformité avec les traités internationaux", alors que le pays a été épinglé à plusieurs reprises sur ce sujet, par le Conseil de l'Europe en 2015 ou le comité des enfants de l'ONU l'année suivante.
La France devient ainsi le 55e Etat à interdire totalement les châtiments corporels, selon l'"Initiative mondiale pour mettre un terme à tous les châtiments corporels sur les enfants", une ONG basée à Londres. La Suède avait légiféré sur le sujet dès 1979.
"Sourires narquois"
Ce n'est pas la première tentative: après plusieurs textes inaboutis, la mesure avait été inscrite dans la loi "Egalité et citoyenneté", mais avait été censurée en janvier 2017 au motif qu'il s'agissait d'un "cavalier législatif", c'est-à-dire d'une disposition sans rapport avec l'objet du projet de loi.
Outre le soutien du gouvernement, le texte MoDem avait l'appui de différentes organisations (Fondation pour l'Enfance, Association STOP VEO...) ou du Défenseur des droits, Jacques Toubon qui a défendu "un signal politique fort" afin de changer les mentalités.Mais dès les débats en commission, des élus de droite et d'extrême droite avaeint dénoncé une "ingérence" dans la vie des familles et l'"ineptie", voire le "ridicule" de la proposition.
Julien Dive (LR) avait aussi pointé "l'ironie de l'histoire" de voir ce texte porté par un parti dont le président, François Bayrou, avait giflé un enfant pendant la campagne présidentielle de 2002. La rapporteure lui avait rétorqué que cet enfant, qui avait tenté de faire les poches du leader centriste, était "devenu délinquant". "Donc CQFD, au MoDem nous avons testé la gifle, nous avons constaté que ça ne marche pas!", avait-elle lancé dans un "clin d'oeil".