Invité sur France Inter, le Premier ministre Edouard Philippe, a profité de son passage pour annoncer les prochaines mesures à venir, notamment autour de la CSG, du congé maternité et de la hausse de la fiscalité sur les carburants.
Un «geste fiscal» pour les retraités
Près de 300.000 retraités vont bénéficier d'un geste fiscal destiné à compenser la hausse de la CSG entrée en vigueur au 1er janvier 2018, et non 100.000 comme initialement prévu, a annoncé le Premier ministre. «Les retraités ne sont pas mal aimés (...), a assuré le Premier ministre. Cette année et l'année prochaine, il y aura une progression limitée des dépenses de pensions. Il y aura 300.000 personnes qui n'auront pas à payer cette augmentation de la CSG dans les années qui viennent», a déclaré, évoquant un «effort de 350 millions d'euros» pour les finances publiques.
Cette mesure correctrice avait été annoncée fin mars par le gouvernement, dans un contexte de grogne contre la perte de pouvoir d'achat des retraités. Mais l'exécutif n'avait alors pas précisé la façon dont elle allait s'articuler.
Le congé maternité rallongé
Le congé maternité va être rallongé en 2019 pour les travailleuses indépendantes et exploitantes agricoles, afin de le porter à huit semaines minimum et 16 semaines au total, a annoncé le Premier ministre. «L'idée, ça va être d'augmenter la durée minimale du congé maternité (pour les travailleuses indépendantes) à huit semaines», dont deux avant l'accouchement, et de porter à «16 semaines» la durée du congé maternité. Sollicité par l'AFP, Matignon a confirmé que cette mesure figurerait dans le PLFSS 2019 qui sera présenté mardi.
Le prix du carburant en augmentation
«Monter le prix du gazole et de l'essence : je l'assume complètement (...) Au départ entre 50 et 70% de la hausse venait des matières premières. J'assume (..) de baisser l’impôt sur le travail et augmenter l’impôt sur la pollution, et tout le monde peut comprendre ça», a déclaré M. Philippe, jugeant nécessaire d'«accompagner la transition écologique» par la fiscalité.
Selon la ministre des Transports Élisabeth Borne, les taxes sur le diesel augmenteront de 7 centimes d'euros l'année prochaine, quand celles sur l'essence progresseront de 4 centimes d'euros. Cette progression s'explique notamment par la hausse de la contribution climat énergie (CEE), sorte de taxe carbone intégrée aux taxes sur les carburants et le fioul. «C'est vrai, il y a une augmentation de la taxe carbone», mais «pourquoi ?», a déclaré Édouard Philippe. «Parce que nous avons fait le choix de baisser l'impôt sur le travail et d'augmenter l'impôt sur la pollution». «Je ne dis pas que c'est agréable, je ne dis pas que ça ne pose pas des difficultés à certains», notamment pour les personnes qui habitent «loin de centre-villes», a-t-il reconnu. Mais des mesures sont d'ores et déjà mises en oeuvre pour «accompagner ceux qui subissent de plein fouet cette décision», a-t-il assuré, évoquant le «chèque énergie» et la «prime à la conversion», octroyée à ceux qui échangent un véhicule polluant contre un véhicule moins nocif pour l'environnement.
Les contrats aidés
Le gouvernement financera l'an prochain environ 130.000 contrats aidés, contre 200.000 budgétés et «130.000 à 150.000» effectivement mis en place cette année, a annoncé Edouard Philippe. «En 2018, il y en aura environ peut-être entre 130.000 et 150.000 (...) Et il y en aura pour l'année 2019 environ le même montant, c'est-à-dire de l'ordre de 130.000», a précisé le chef du gouvernement.
«Nous avons décidé de changer de pied sur cette question des contrats aidés» car «nous voulons consacrer nos moyens sur des politiques efficaces», a souligné M. Philippe à propos de ces dispositifs d'insertion professionnelle subventionnés, dont 320.000 avaient encore été signés en 2017. «Il y avait de très forts pics de contrats aidés en général une année avant des élections majeures. On voit bien pourquoi : ça n'avait pas grand chose à voir avec l'activité, ça avait beaucoup à voir avec la présentation des chiffres. Moi je veux sortir de cette logique, elle est absurde et elle n'est pas digne», a ajouté le Premier ministre.
La polémique «Traverser la rue pour trouver un travail»
Sur ce point, Edouard Philippe l’assure, Emmanuel Macron n’a pas exagéré ses propos devant le jeune horticulteur chômeur : «Le président et moi-même lorsque l'on va sur le terrain, il n'y a pas un secteur de l'activité économique ou l'on ne nous dit pas 'on veut recruter'. On nous dit 'On veut recruter mais on y arrive pas'. Il y a énormément d’entreprises qui veulent recruter et qui ne trouvent pas la bonne personne. C’est systématique, il y a donc un vrai problème», a-t-il estimé au micro de France Inter.
Le chômage sur la bonne voie ?
Justement, côté chômage, le Premier ministre se veut optimiste : «Il baisse et il va continuer à baisser. Sans maquiller les chiffres, nous allons investir massivement pour trouver les compétences. L’objectif est de faire en sorte que le chômage baisse. Nous sommes en train de le faire avec les négociations sur l’assurance chômage», a-t-il expliqué.
La croissance française en question
Le Premier ministre refuse d’adopter une posture pessimiste sur la croissance française. «Je ne me retrouve pas dans le tableau apocalyptique [dressé par certains]. La croissance sera de 1,7 % et c’est le niveau que nous avons indiqué l’an dernier.
C’est deux fois plus que les dix dernières années. C’est trop peu, et nous pourrions faire mieux. Ce qui est inquiétant, c'est que dans un pays a la croissance normale, on est encore à 9,1% de chômage et nous peinons à recruter», a-t-il néanmoins admis.
L’affaire Benalla
Enjoint sur France Inter à dire s'il pensait que le Sénat avait outrepassé ses droits avec cette audition, le Premier ministre a répondu «ne pas avoir à se prononcer» sur cette question. «La séparation des pouvoirs est un concept précieux qui s'applique à l'exécutif, qui doit respecter l'institution judiciaire, qui doit respecter le parlementaire, mais qui s'applique aux autres, c'est-à-dire au législatif et au judiciaire», a-t-il expliqué. «C'est un principe qui s'applique à tout le monde et j'essaie de le respecter strictement», a-t-il ajouté.
L’éducation nationale, une «priorité»
Concernant les 2600 postes en moins dans le secondaire, Edouard Philippe a assuré que l’éducation nationale était leur «priorité». «Mais on supprime un certain nombre de postes. Mais nous souhaitons transformer l’école primaire, c’est là que cela se joue (...)Nous mettons le paquet sur l’école primaire». «Il faut réorganiser le système et mieux payer les professeurs. 1000 euros de plus en 2018, 1000 euros de plus en 2019, 1000 euros de plus en 2020 et nous ferons en sorte d’ouvrir les heures supplémentaires. Cela veut dire qu'en 2020, celui qui est encore enseignant en REP+ aura 3000 euros de plus par an, parce que c'est redoutablement difficile», a-t-il estimé.
Le nucléaire discuté
«Les discussions sont en cours pour organiser l'investissement sur l’énergie sur les 20 ans qui viennent : 50% nucléaire et 50 % qui n’en relèveront pas. Nous prenons le temps d’en discuter. Nous évoquerons les hypothèses et nous lancerons les discussions fin octobre», a annoncé Edouard Philippe au sujet du nucléaire.
Le plan santé à revoir
«On doit changer de logique, et reconstruire très profondément le système de santé fait il y a 60 ans : il faut construire le système des 60 prochaines années. L’hôpital doit fonctionner mieux avec la médecine de ville, sinon on ne s'en sortira pas. Les mesures sur les infirmières viendront, il s'agit de mieux les associer à la pratique médicale et leur faire confiance», a annoncé Edouard Philippe.
Le climat, l’affaire de tous
Sur la question du climat au sein du gouvernement, Edouard Philippe a concédé : «On peut s’améliorer. Mais le cap est là. Je suis toute à ma tâche et nous allons tenir sur ce qui est engagé. Il y a peut-être une part d’orgueil, nous ne sommes pas des machines. Ce sont des réactions humaines».