Moins de deux mois après l'affaire Benalla, la démission surprise de Nicolas Hulot, en pleine rentrée politique, est un nouveau coup dur pour le gouvernement et Emmanuel Macron, au moment où sa popularité est au plus bas.
Un président de la République en déplacement à l'étranger, un porte-parole du gouvernement appelé à réagir quasiment en direct : après des mois d'atermoiements, le ministre de la Transition écologique, a pris tout le monde de court mardi en annonçant lors d'un entretien sur France Inter qu'il quittait le gouvernement. Ni Emmanuel Macron ni Édouard Philippe n'avaient été prévenus.
Le porte-parole du gouvernement Benjamin Griveaux a aussitôt jugé que «la courtoisie la plus élémentaire» aurait commandé à M. Hulot d'informer par avance le président de la République et le Premier ministre de son choix.
Sur un ton plus bienveillant, Emmanuel Macron a réagi dans l'après-midi depuis Copenhague en disant «respecter» la décision de Nicolas Hulot, «un homme libre», et compter sur son engagement «sous une autre forme». Nicolas Hulot peut «être fier de son bilan», avait fait valoir l'Elysée dès le matin.
Il reste que sa façon de claquer la porte du gouvernement «est une rupture avec toutes les démissions sous la Cinquième République», souligne Frédéric Dabi, directeur général de l'Ifop, en rappelant que «même Jean-Pierre Chevènement», qui avait démissionné trois fois, avait prévenu François Mitterrand et l'exécutif.
En misant sur Nicolas Hulot, Emmanuel Macron et Édouard Philippe «savaient qu'ils prenaient un risque car dès le départ Nicolas Hulot avait dit que si ça n'allait pas assez vite, il partirait», rappelle Daniel Boy, chercheur au Cevipof.
Le journaliste de France Inter Thomas Legrand, qui a discuté avec M. Hulot avant l'interview, a évoqué une réunion sur la chasse lundi à l'occasion de laquelle Emmanuel Macron, en réponse aux interrogations du ministre sur la présence du lobbyiste Thierry Coste, «aurait dit "je ne sais pas comment ce monsieur est rentré"», a rapporté le journaliste. Nicolas Hulot a alors eu «le sentiment qu'on se foutait un petit peu de lui».
L'exécutif «subit»
Cette démission arrive comme «une nouvelle difficulté, et ça continue de donner le sentiment qu'après un an où l'exécutif avait la main, depuis l'affaire Benalla, il subit. Il subit l'affaire Benalla, il subit les mauvais chiffres de la croissance, il subit l'équation budgétaire difficile, et aujourd'hui il subit - puisqu'il l'apprend à la radio - la démission de Nicolas Hulot», énumère Bernard Sananès, président de l'institut Elabe.
Cette démission «dit aussi à la société que le gouvernement ne fait pas grand chose» sur le terrain de l'écologie, et Emmanuel Macron, déjà critiqué sur les dossiers sociaux, «perd encore sur son centre gauche», analyse Daniel Boy.
C'est toutefois d'abord au prisme des dossiers économiques et sociaux, et pas de la question climatique, que l'efficacité du pouvoir est évaluée, souligne M. Dabi, qui nuance donc l'impact de cette sortie fracassante.
On est là davantage sur le terrain du «symbole», puisque «sur des affaires extrêmement différentes, Emmanuel Macron perd ce qui était une de ses forces : la gestion de l'agenda médiatique», dit-il.
Nicolas Hulot, caution écologique de ce début de quinquennat Macron, qui avait refusé d'entrer dans de précédents gouvernements, restait selon plusieurs instituts de sondage la personnalité politique préférée des Français. Notamment des sympathisants de La République en marche, sensibles à la préoccupation environnementale, relève Bernard Sananès.
Reconnu ou technique
Mais les Français étaient nettement plus partagés sur l'efficacité de l'action du ministre. Qui maintenant pour remplacer ce ministre-clé dans l'édifice gouvernemental ?
«Pour être ministre de l'Environnement, il faut avoir un poids politique», souligne Daniel Boy.
Premier profil évoqué par les politologues, une personnalité reconnue sur les questions environnementales. «Un écolo connu et reconnu ; mais trouvez-le», dit M. Boy, notant que «le seul qui reste en poste et qui est Macron compatible, c'est François de Rugy», le président de l'Assemblée nationale.
Autre solution, un ministre «technicien», compétent mais pas forcément connu du grand public. Ou un ministre plus «politique», à l'image du secrétaire d'État à la Transition écologique Sébastien Lecornu, ancien maire d'Évreux.
Reste que le prochain ministre «ne pourra pas du point de vue de la surface médiatique, dans son rapport aux Français, complètement éclipser Nicolas Hulot», souligne Frédéric Dabi.
Édouard Philippe a précisé qu'il ferait «des propositions» dans les «jours qui viennent» à Emmanuel Macron. L'ancien Premier ministre Alain Juppé, qui avait fait un passage éclair dans ce poste en 2007, a déjà décliné l'opportunité.