A 1,50 euro le kilo de prunes dorées et juteuses, le succès est immédiat. Mercredi, place de la Bastille à Paris, des tonnes de fruits et légumes vendus en direct par des producteurs du Sud-Ouest se sont arrachées.
A quelques semaines de la reprise des débats à l'Assemblée nationale, les producteurs du syndicat agricole Modef sont venus demander une loi «qui défende les agriculteurs face aux supermarchés», en dénonçant la «concurrence déloyale» des fruits et légumes importés, car traités avec des produits phytosanitaires interdits en France.
Deux semi-remorques pleins à craquer sont partis mardi du Lot-et-Garonne. 50 tonnes au total : tomates, haricots verts, pommes de terre, prunes, nectarines et salades, vendus «au juste prix» dans une trentaine de villes d'Ile-de-France, dont Paris, avec l'aide d'élus et sympathisants du PCF venus prêter la main aux producteurs.
Les clients sont ravis. Michel, employé de banque à la retraite est venu faire le plein, se dit «dégoûté» de «l'arnaque» de la grande distribution, où «quatre pommes sont vendues 3,95 euros».
«Je suis scandalisé, qui peut encore s'offrir des fruits et légumes frais à ces prix ?», s'interroge-t-il.
Un peu plus loin, Sandrine Cayrou, maraîchère du Lot-et-Garonne, fraîchement installée, est de son côté «choquée de voir que nos produits sont vendus en-dessous du prix de revient». «Nous n'avons jamais aucune liberté pour fixer nos prix», déplore-t-elle.
«Ras le bol des grandes surfaces»
Le grossiste lui achète ses melons entre 25 et 50 centimes la pièce, quand elle ne peut pas gagner sa vie en-dessous d'un euro la pièce. Du coup, elle vend en direct sur les marchés ou dans la restauration. Plus rentable.
Impossible toutefois de se passer de la grande distribution, qui assure l'énorme majorité de la vente de produits frais en France.
Même le Modef, qui organise cette manifestation depuis près de trente ans chaque année à Paris, en convient.
«Nous n'avons jamais demandé la fermeture des supermarchés, simplement nous voulons qu'ils achètent nos produits à des prix corrects», fait valoir Raymond Girardi, vice-président du syndicat et exploitant dans le Lot-et-Garonne, qui craint une «disparition» pure et simple des producteurs si rien n'est fait.
S'excusant que les prunes d'Ente - celles qui servent à produire les pruneaux d'Agen - soient un peu trop mûres, il lance une autre flèche vers ceux qui «obligent les producteurs à cueillir toujours plus vert».
«Si on livre les fruits et légumes à point, les supermarchés ne payent pas la coopérative, donc les agriculteurs», explique-t-il. «C'est courant d'entendre "vous nous avez livré cinq palettes, on ne vous en paie que trois"».
Martine Houot, elle, est contente. Elle repart chez elle, de l'autre côté de Paris, son vélo chargé de pommes de terre et de melons.
«Les grandes surfaces, j'en ai ras-le-bol, il faut voir tout ce qu'ils jettent à la poubelle chaque jour, et leurs prix», indique-t-elle à l'AFP. «Sans compter que les fruits importés qu'on y trouve sont souvent traités avec des pesticides interdits en France».
«Dire la vérité sur les fruits et légumes importés», c'est la grande affaire du Modef, syndicat de tradition communiste.
Raymond Girardi trouve «normal» qu'un certain nombre de molécules chimiques soient interdites en France pour traiter les arbres fruitiers ou champs de légumes, mais n'accepte pas que la règle du jeu soit différente ailleurs.
«Prenons le dimethoate, un produit utilisé pour se débarrasser de la mouche du cerisier. Il est interdit en France car dangereux pour l'écosystème et les pollinisateurs, mais il est indétectable sur les fruits au bout d'un certain temps. Si on analyse les cerises importées, on n'en trouvera jamais, ce ne sont pas les contrôles qui sont importants comme le dit le ministère de l'Agriculture, c'est la règle du jeu» détaille-t-il.
«Ce qui est mauvais pour la nature en France est mauvais aussi au Maroc ou dans les autres pays producteurs», ajoute-t-il.