Du petit bocal au grand bain : l'Aquarium de Paris accueille les poissons rouges abandonnés, parfois à regrets, par leurs propriétaires pendant l'été, transformant le site aux 10.000 spécimens en refuge aquatique.
«Il était dans un petit bocal, je pense qu'il sera mieux ici» : Alexandre, 32 ans, est venu déposer Némo, le poisson rouge d'une amie qui allait partir en vacances. «C'est mieux que de le jeter dans l'évier», glisse-t-il.
Qu'ils ne veuillent plus s'en occuper, déménagent ou souhaitent faire changer d'air à leur animal à nageoires, ils sont une cinquantaine chaque mois à franchir les portes de l'Aquarium de Paris, situé au Trocadéro, pour venir déposer leur petit poisson. Certains avec la larme à l'œil, signe du rude choix, longuement soupesé en famille ou entre amis, de se séparer de Bubulle.
Une nouvelle vie
Des rouges, mais aussi des jaunes, tigrés ou noirs ; cadeaux d'anniversaire ou gagnés en kermesse... Depuis que l'établissement a commencé à jouer ce rôle de refuge il y a deux ans, 600 poissons sont venus grossir les 7.500 spécimens qu'abrite l'Aquarium qui héberge également 2.500 méduses.
Placés en quarantaine pendant plus d'un mois à l'aquarium, les petits «carassius auratus» reçoivent par précaution un traitement antibiotique et antiparasites. «Certains arrivent faibles. Le transport et le changement de vie, ça augmente leur stress», explique Céline Bezault, soigneur aquariologiste à l'Aquarium. Fragile, une petite partie des animaux ne survit pas à leur déménagement. Mais ceux qui passent l'étape de la quarantaine seront transférés dans des bassins où ils sont présentés au public et leur existence va radicalement changer.
Nouvel espace pour une nouvelle vie : fini le temps passé à errer contre la vitre du petit bocal. Les poissons rouges, espèce grégaire, peuvent nager en groupe dans de bien plus grands bassins. Et reprendre leur croissance, stoppée nette lorsqu'ils sont confinés dans un bocal. «Certains peuvent mesurer jusqu'à 20 ou 30 centimètres», note Céline Bezault.
De meilleures conditions
Derrière cet accueil de petits poissons en souffrance pointe donc la question du bien-être animal. «Je pense qu'il y a une prise de conscience générale que la maltraitance animale est un vrai problème», explique le directeur de l'Aquarium, Alexis Powilewicz, considérant qu'avoir un poisson d'ornement dans de mauvaises conditions est une forme de mauvais traitement. La législation de certains pays européens interdit d'ailleurs de faire vivre son poisson rouge dans un petit bocal, assure l'équipe de l'Aquarium.
«Pour qu'un poisson vive dans de bonnes conditions, il faut quatre choses : au moins 100 litres d'eau, qu'il ne soit pas tout seul, un système de filtre et des décors dans l'aquarium», ajoute Morgan Percher, un salarié de l'établissement.
Domestiqués depuis des millénaires, notamment en Chine, sélectionnés pour leur beauté au fil des siècles, les poissons rouges devraient connaître à l'Aquarium de Paris un meilleur sort que leurs congénères dont l'existence se termine souvent dans un éclat de chasse d'eau ou dans un évier. Et le lien avec leur ancien propriétaire n'est pas forcément rompu: plusieurs mois après, certains reviennent voir leur animal à l'Aquarium. Même s'il est difficile de savoir avec certitude où se trouve, parmi les dizaines de pensionnaires, leur petit Bubulle.