L'évasion de Rédoine Faïd relance le débat sur les failles du système pénitentiaire.
Nouvelle polémique derrière les barreaux. En s’évadant en hélicoptère de la prison de Réau (Seine-et-Marne) dimanche, Redoine Faïd a relancé un débat récurrent : les centres pénitentiaires français sont-ils suffisamment sûrs ? Une question que n’a pas éludée la ministre de la Justice elle-même, hier. «Je ne prétends pas qu’il n’y a pas ici de défaillance. Il y en a peut-être une», a admis Nicole Belloubet. Une reconnaissance à demi-mot que notre système carcéral n’est peut-être pas aussi étanche qu’il prétend l’être.
Beaucoup de maillons faibles
A plusieurs niveaux, l’affaire de Réau est symptomatique. Présenté comme ultra-sécurisé, lors de son inauguration, en 2011, l’établissement a montré ses limites face à l’opération commando. Entraînés et lourdement armés, trois hommes ont ainsi pu se faire déposer facilement au sol, trouvant face à eux des gardiens aux mains vides. Une situation dénoncée par certains, tels le député du Rassemblement national Gilbert Collard, qui a ironisé sur Twitter : «Incroyable mais vrai. Les surveillants bien qu’armés d’un sifflet, n’ont pu arrêter l’hélicoptère et empêcher l’évasion…»
Evasion Rédoine Faïd : "Les surveillants ne sont pas armés. Nous avions sur nous un simple sifflet pour prévenir et un Motorola pour donner l'alerte" ; incroyable mais vrai, les surveillants bien qu'armés d'un sifflet, n'ont pu arrêter l'hélicoptère et empêcher l'évasion... pic.twitter.com/x26Vb6VX6s
— Gilbert Collard (@GilbertCollard) 2 juillet 2018
La situation est pourtant connue. Dans une prison, seuls les agents postés dans les miradors sont armés. Un équipement principalement dissuasif et, dans ce cas, inutile, puisque le règlement interdit de tirer sur les hélicoptères. En effet, un crash mettrait en péril la vie du pilote et des personnes présentes au sol. Quant aux autres agents pénitentiaires ils ne portent aucune arme à feu pour éviter qu’elles ne soient dérobées par des détenus lors de bagarres ou d’émeutes.
Autre faille du système : les parloirs, où les proches et les détenus se rencontrent. C’est d’ailleurs là que les complices de Redoine Faïd ont pu s’introduire facilement. Proches des entrées, pour limiter au maximum les déplacements des visiteurs à l’intérieur des locaux, ces endroits échappent un peu trop au contrôle des surveillants. Et s’ils conviennent aux détenus «classiques», ils ne semblent pas forcément adaptés aux détenus les plus dangereux.
«Il faut des parloirs plus sécuritaires, en installant par exemple des hygiaphones et des vitres, comme on voit dans les films américains, estime ainsi Christophe Schmitt, du Syndicat national pénitentiaire Force ouvrière. Certes, ils auront moins d’intimité, mais il faut avoir le courage de restreindre les libertés.»
Des détenus prêts à tout
Si les autorités tentent d’améliorer la sécurité des prisons, le défi est immense pour faire face aux condamnés déterminés à s’échapper et capables de déployer les moyens les plus impressionnants. Car la logistique utilisée par Redoine Faïd et ses acolytes est hors-norme, avec une attaque éclair, de multiples véhicules de repli, et sans doute des planques préparées à l’avance. Une habitude pour lui, puisque cinq ans plus tôt, il n’avait pas hésité à faire exploser les portes de la prison de Sequedin (Nord) et à se servir de surveillants comme boucliers humains pour s’enfuir.
Dans la même veine, en 2003, le «roi de la belle» Antonio Ferrara s’était échappé de Fresnes grâce à des complices habillés en policiers et armés de lance-roquettes. Un rapport de force inégal difficile à rééquilibrer. n