Ultime jour de grève unitaire jeudi à la SNCF après trois mois de mobilisation contre la réforme ferroviaire: à l'heure du bilan, les syndicats comptent les points d'un mouvement d'une longueur et d'une forme inédite mais divergent sur la suite.
Historique par sa durée - 36 jours en cumulé, la plus longue à la SNCF depuis 30 ans -, cette grève programmée du 3 avril au 28 juin l'a été aussi par son rythme intermittent et inédit en 18 épisodes de deux jours. Un calendrier auquel la SNCF s'est adaptée, en réussissant à faire rouler des trains.
D'ailleurs, s'ils restent «mécontents», les grévistes (33,9% des cheminots le 1er jour, 8,4% mercredi) sont «affaiblis», a reconnu mercredi Philippe Martinez, secrétaire général de la CGT. Il a ajouté que malgré l'ampleur de la mobilisation, «85% des problèmes que nous avons soulevés ne sont pas réglés».
Les cheminots protestaient contre une réforme qui bouleverse le secteur ferroviaire, en ouvrant à la concurrence le transport des voyageurs (entre décembre 2019 et au plus tard 2039 selon les lignes) et en supprimant à partir du 1er janvier 2020 les embauches au très protecteur statut de cheminot.
Depuis qu'ont été dévoilées en février les recommandations du rapport Spinetta pour réformer le rail hexagonal, puis le projet gouvernemental, les quatre syndicats représentatifs de la SNCF ont multiplié réunions, propositions et manifestations dans toute la France. L'Unsa et la CFDT ont également proposé chacune des amendements à une loi rejetée en bloc par la CGT et SUD.
«Sans triomphalisme», l'Unsa «se félicite» d'avoir ainsi gagné «certaines évolutions face à la rigidité du pouvoir en place». La CFDT note qu'elle a pu «corriger ou atténuer les effets négatifs d'une loi dont elle n'a pas voulu».
Les deux syndicats réformistes listent les avancées qu'ils ont obtenues «dans la loi» : notamment le maintien de la rémunération des cheminots qui quitteront la SNCF quand le groupe public perdra des marchés face à des entreprises rivales, la priorité donnée au volontariat pour ces transferts, les conditions de retour possible au sein de la SNCF ou le caractère incessible des capitaux à 100% publics du groupe ferroviaire quand ses trois entités actuelles deviendront des sociétés anonymes.
18 mois de négociations
Ces «avancées», critique la CGT, «ne représentent pour l'instant pas de garanties réelles ni pour le service public (fret, lignes de proximité, régularité, bassins d'emplois) ni pour les cheminots». SUD-Rail prévient qu'il «ne validera pas des reculs sociaux» et dénonce une loi qui «va bénéficier aux patrons sur le dos des cheminots et des usagers».
Les deux syndicats appellent à la grève les vendredi 6 et samedi 7 juillet, au tout début des vacances scolaires et n'excluent pas d'autres dates de grève en juillet et août.
«On annoncera au fur et à mesure» les dates pour peser sur les négociations avec la direction de la SNCF ou l'Union des transports publics et ferroviaires (UTP, patronat), sur la nouvelle convention collective nationale du secteur ferroviaire, explique Laurent Brun, secrétaire général de la CGT Cheminots.
A SUD-Rail, les assemblées générales de cheminots «débattront» les 6 et 7 juillet de «la suite à donner au mouvement pour gagner».
Et si elles mettent les vacances entre parenthèses, l'Unsa, qui «reste combative», et la CFDT, qui veut «conserver (sa) capacité de mobilisation pour les combats à venir», n'excluent pas de repartir en grève à la rentrée.
Car les discussions en cours avec la direction et avec la branche, qui doivent aboutir d'ici le 1er janvier 2020, sont cruciales pour les syndicats également dans la perspective des élections professionnelles fin 2018.
En 18 mois, UTP et syndicats doivent boucler des volets importants tels que la classification des métiers, la rémunération, la prévoyance, ainsi que des points liés à la concurrence, comme les modalités de transfert des salariés. En parallèle, d'autres négociations s'ouvrent à la SNCF pour un nouveau cadre social d'entreprise : contrat de travail, grille des salaires, formation...
Mais «à l'été, il n'y aura aucune décision», a précisé le directeur général adjoint de la SNCF, Mathias Vicherat.