Les dix suspects venus des rangs de l'ultradroite, arrêtés samedi par les services antiterroriste car soupçonnés de vouloir s'attaquer à des musulmans, revendiquaient leur appartenance à l'Action des Forces opérationnelles (AFO). Le point sur ce mystérieux groupuscule, déterminé à mener une «guerre de civilisation» en France.
Des mercenaires au premier plan, des avions et des bombes au second, des chars d'assaut sur l'esplanade du Trocadéro, la Tour Eiffel noyée dans une fumée noire : le site internet qui héberge AFO est sans équivoque, tout comme son titre – «Guerre de France. Préparation des citoyens-soldats français au combat sur le territoire national».
© Capture du site guerredefrance.fr
Des onglets y désignent «les adversaires», détaillent une «formation militaire» et les méthodes de «renseignement» à adopter, proposent divers liens bibliographiques et vidéos. L'un de ces onglets est consacré à AFO, qui propose notamment des «fiches réflexe» sur les comportements à tenir «face à la police et la justice», mais aussi le «matériel de crise» nécessaire et les attitudes en cas d'«hostilités graves» (émeutes, affrontements).
«Un remake de la guerre d'Algérie»
Sur le portail, «on retrouve toute une littérature sur l'imminence de la guerre civile ethnique» et d'un conflit de civilisation qui a fleuri depuis le 11-Septembre, explique le politologue Jean-Yves Camus. «Les attentats [jihadistes en France] ont confirmé chez ces personnes l'idée qu'ils avaient raison avant l'heure, que le scénario de l'apocalypse se vérifiait, que l'action violente est la seule solution», ajoute-t-il. «L'arrivée des migrants a rajouté une raison pour eux de passer à l'action, car ils sont persuadés que cette vague d'immigration est une cinquième colonne de l'islam.»
Les ennemis désignés par AFO sont d'abord les «tenants du système islamique» [désignés sous le sigle TSI], à savoir «principalement des musulmans d'origine ou convertis», auxquels se greffent d'autres soutiens «par affinité et "esprit de quartier"», par «haine partagée de la police (et donc de l'armée) et des blancs», mais aussi par «intérêts financiers dans les trafics».
En toile de fond, «il y a une sorte de remake de la guerre d'Algérie, de la lutte entre la France et des gens qui sont vus comme les continuateurs de l'ennemi du temps de cette guerre», décrypte Jean-Yves Camus. «La guerre récente qui se rapproche le plus du problème militaire posé est sans nul doute la Guerre d'Algérie», peut-on ainsi lire sur le site : «L'ennemi a sensiblement les mêmes origine, mentalité, éducation familiale, religion que les terroristes du FLN».
«Zones de non-France»
«Il y aussi le sentiment que l'Etat ne fait pas son travail», souligne Jean-Yves Camus : «Ces gens, pour ceux qui viennent des forces de sécurité, considèrent qu'ils sont – même à la retraite – chargés de la mission de "nettoyage" que l'Etat ne fait pas». Face à ceux qui veulent «imposer l'islam et la charia sur les "zones de non-France"» (ZNF), le groupuscule veut développer une «garde territoriale» aux connaissances militaires précises.
Dans cette «guerre asymétrique», le site souligne également l'importance du renseignement à mener «pour déterminer les contours des ZNF, localiser les lieux de commandement, de stockage des armes, les planques, l'identité et les lieux de vie des radicalisés et chefs militaires...».
Le site propose divers textes comme un mode d'emploi «de survie urbaine en zone occupée», un texte sur «contre-insurrection et action psychologique», des notes pour déjouer les techniques de surveillance policière... Le parfait manuel idéologique et stratégique pour une guerre de civilisation. Car «si le camp loyaliste perd cette guerre, est-il écrit, c'en est fini de ce pays merveilleux qu'est la France et de notre civilisation».
L'AFO (Action des Forces Opérationnelles), le groupuscule d'Ultra-droite dont certains membres ont été arrêté pour des soupçons de préparation d'attentats, utilise dans sa communication des images de Call of Duty : Modern Warfare 3. pic.twitter.com/5K8bq3tQE9
— Sylvain Trinel (@SylvainTrinel) 25 juin 2018