Nommé il y a un an, le Premier ministre Edouard Philippe a tenté d’imprimer son propre style. Mais le quinquennat est encore long.
«Je suis à peu près d’accord sur tout avec Emmanuel Macron. Mais je ne crois pas du tout à ses chances », déclarait Edouard Philippe fin 2016. Les mois suivants lui ont donné tort : non seulement le candidat marcheur a été élu à l’Elysée, mais il a nommé, à la surprise générale, l’ancien maire du Havre Premier ministre.
Il y a un an presque jour pour jour, Edouard Philippe, largement inconnu du grand public, passait ainsi de l’ombre à la lumière de Matignon. Un costume qu’il a su endosser, «au service de l’Etat et avec un sérieux attentif», selon les mots qu’il avait employés lors de sa prise de fonctions.
Un rôle en première ligne
«Ce n’est pas simple, mais ce n’est pas l’enfer», concède-t-il aujourd’hui. En douze mois, le chef du gouvernement a su imposer son style au côté d’Emmanuel Macron. D’abord, en montant systématiquement au créneau pour défendre les réformes impopulaires de l’exécutif, que ce soit celle du Code du travail en septembre, de l’ISF en janvier ou de l’immigration en février.
«Je suis là pour faire du Macron, pas du Juppé», a d’ailleurs assuré cet ancien proche du maire de Bordeaux, dans un entretien au Monde, lundi. L’occasion pour lui de réaffirmer que le programme du quinquennat sera «dense jusqu’au bout». «Il applique consciencieusement, sans couacs et sans tensions avec Macron, la feuille de route présidentielle. Et ça, ça plaît. Comme son image à la fois ferme et décomplexée», analyse Frédéric Dabi, directeur général adjoint de l’Ifop.
Avec l’ambition d’allier pédagogie et action, Edouard Philippe n’a pas non plus hésité à aller au contact pour déminer, ces cinq derniers mois, des dossiers explosifs, tels que Notre-Dame-des-Landes, la SNCF ou encore la Nouvelle-Calédonie. En témoignent aussi les «délocalisations» de Matignon dans le Lot, en décembre, et dans le Cher, en mai, pour «se rapprocher» des Français et des acteurs locaux.
Une manière de gouverner qui semble porter ses fruits dans l’opinion. Après un an de pouvoir, l’ex-maire du Havre jouit d’une cote de popularité de 54 % (contre 49 % pour le président), selon un récent sondage Ifop. Une proportion supérieure à la moyenne des Premiers ministres depuis 1981, révèle une étude BVA. Homme de lettres, ses traits d’humour lancés lors de ses conférences de presse n’y seraient pas étrangers.
Un chemin non sans obstacles
Reste que, a priori, sa mission à Matignon pourrait durer encore quatre ans. «Or, dans la Ve République, la fonction de Premier ministre est des plus difficiles. Il concentre les critiques, et est toujours sur la sellette. Philippe n’est pas à l’abri d’un retournement de l’opinion», souligne Frédéric Dabi. Ni de sérieuses embûches, comme la limitation à 80 km/h sur les routes nationales dès cet été, une mesure défendue par Edouard Philippe en personne, mais décriée par la population.
Autre défi, et non des moindres : ne pas apparaître trop dans l’ombre d’Emmanuel Macron, qui «conserve l’aura de grand patron», selon Frédéric Dabi. Car, populaire dans l’électorat de droite, le Premier ministre l’est beaucoup moins auprès de ses collègues de LR, qui lui ont collé l’étiquette de «traître». La porte-parole du parti, Laurence Sailliet, le voit même comme un soldat de l’Elysée, «recruté pour exploser la droite [...] puis exécuter les ordres du président». Une attaque répétée qui, pour l’heure, n’a pas fait dévier l’intéressé de son cap.