Edouard Philippe, issu de la droite juppéiste, est devenu en un an le garant et l'exécutant des promesses d'une campagne qu'il n'a paradoxalement pas faite, décrivant son rôle à Matignon comme celui d'un «chef d'orchestre» suivant la cadence du compositeur, Emmanuel Macron.
Nommé le 15 mai 2017 Premier ministre d'un président qu'il n'avait rencontré que «trois fois avant le premier tour», voilà donc Edouard Philippe, ancien maire et député du Havre avec l'étiquette Les Républicains, dépositaire des "transformations" macroniennes.
Il a plusieurs fois raconté les circonstances rocambolesques de son accession surprise à Matignon, initiée par une entrevue avec Emmanuel Macron le 24 avril au QG d'En Marche! où il arrive allongé sur la banquette arrière d'une voiture, caché sous des couvertures pour échapper aux journalistes.
Dans les décombres d'un paysage politique atomisé, Edouard Philippe incarne alors la main tendue à la droite modérée et le dépassement des anciens clivages en prenant la tête d'un gouvernement hétéroclite et peu expérimenté.
Lui souligne volontiers que les idées défendues par son mentor Alain Juppé et celles d'Emmanuel Macron sont «très proches", et il «assume tout» ce qu'il met en oeuvre depuis un an, alimentant ainsi certaines critiques de dérives droitières du gouvernement. Avoir rejoint Emmanuel Macron, «quand on vient de l'école Juppé, c'est sans doute une vraie libération», abonde la députée LREM Marie Guévenoux, ancienne LR proche de M. Philippe.
Sa méthode, sur les dossiers les plus emblématiques, est de «concerter» à l'envi, comme sur l'abandon de l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes, la réforme du code du travail ou, actuellement, la SNCF. Ses détracteurs, notamment parmi les syndicats, dénoncent une écoute mise en scène masquant des décisions déjà tranchées à Matignon... voire à l'Elysée.
Car se pose la question de l'espace politique laissé à M. Philippe, qui souffre d'un déficit de notoriété, au côté d'une présidence +jupitérienne+.
Pour l'heure, une seule mesure porte réellement sa patte: la réduction de la vitesse à 80 km/h sur certaines routes, qui a suscité le mécontentement de certains élus, notamment ruraux. Et permis à la droite de renforcer ses accusations de déconnexion du pouvoir avec les territoires, ce qu'il tente de réparer depuis en délocalisant trois jours Matignon dans le Lot (en décembre 2017) puis le Cher (en mai).
«Rock star»
Depuis sa nomination, M. Philippe revendique une lecture sage de la répartition des tâches entre Elysée et Matignon, en se comparant souvent à «un chef d'orchestre» chargé de faire «jouer ensemble» ses ministres. «Je ne me prends pas pour le compositeur, ni pour le premier soliste, et pas davantage pour le percussionniste au fond de la salle», avait-il détaillé au Journal du Dimanche.
Entre MM. Macron et Philippe, «c'est très fluide», vante un de ses proches. «Et le président est très respectueux du rôle du Premier ministre. Il y a eu des tentatives de certains de passer par-dessus le Premier ministre, d'avoir des contre-arbitrages, mais le président a coupé court», ajoute-t-il.
Entouré à Matignon d'une garde rapprochée juppéiste, M. Philippe a consacré la première année du quinquennat au lancement de réformes tous azimuts, confiant en privé et malgré quelques couacs qu'il aimerait pouvoir accélérer le rythme. Il peut s'appuyer sur une large majorité à l'Assemblée, qu'il tente de soigner en se rendant régulièrement aux réunions de groupe, ou en confiant missions et rapports.
S'il a été accueilli par les députés de la majorité «presque comme une rock star», dixit Mme Guévenoux, M. Philippe entretient cette incongruité d'être un Premier ministre sans appareil, encarté ni à LR et ni à LREM, en dépit d'une proximité affichée et nouvelle avec le patron du parti présidentiel Christophe Castaner.
«Il est très populaire parmi les marcheurs. Il n'y a aucune carte en plastique qui améliorerait ça», balaie son entourage.
Ce père de trois enfants, amateur de boxe qu'il pratique encore et romancier à ses heures perdues, avait évoqué avec humour la «peur panique» qui l'avait saisi à l'idée de s'installer à Matignon, parfois décrit comme un «enfer». Un an plus tard, il ne voit pas «comment on peut se plaindre d'exercer de telles responsabilités», relève un proche.