Emmanuel Macron a déclaré lundi vouloir «réparer» le lien entre l'Église et l’État qui «s'est abîmé», dans un discours fleuve devant la Conférence des évêques, appelant les catholiques à «ne pas rester au seuil» de l'engagement politique.
Pour rétablir cette relation, «il n'est pas d'autre moyen qu'un dialogue en vérité», a précisé le président devant 400 invités réunis en début de soirée dans la grande nef cistercienne du collège des Bernardins à Paris. Pour Emmanuel Macron, ce «dialogue est indispensable» car «une Église prétendant se désintéresser des questions temporelles n'irait pas au bout de sa vocation», tandis «qu'un président de la République prétendant se désintéresser de l'Église et des catholiques manquerait à son devoir».
Ce discours d'Emmanuel Macron, qui a marqué à plusieurs reprises son intérêt pour les questions religieuses, est inédit car c'est la première fois que l’Église catholique organise un tel événement médiatico-politique, comparé par certains observateurs au dîner du Crif (Conseil représentatif des institutions juives de France). L'épiscopat, prudent avec cet exercice qui n'a «pas nécessairement vocation à être renouvelé annuellement», a prolongé les discours par un simple cocktail.
«Dans ce moment de grande fragilité sociale, quand l’étoffe même de la nation risque de se déchirer, je considère de ma responsabilité de ne pas laisser s’éroder la confiance des catholiques à l’égard de la politique - et des politiques», a ajouté le chef de l’État, accompagné de son épouse Brigitte et du ministre de l'Intérieur Gérard Collomb.
«Pour des raisons à la fois biographiques, personnelles et intellectuelles, je me fais une plus haute idée des catholiques. Et il ne me semble ni sain ni bon que le politique se soit ingénié avec autant de détermination soit à les instrumentaliser soit à les ignorer», a expliqué le président.
Il en a profité pour rendre un hommage vibrant aux divers engagements républicains et spirituels du colonel Arnaud Beltrame, tué le 23 mars par un jihadiste dans l'Aude. «Lorsque l'épreuve commande de rassembler toutes les ressources qu'on a en soi au service de la France, la part du citoyen et la part du catholique brûlent, chez le croyant véritable, d’une même flamme», a-t-il relevé.
Le président a également défendu son «humanisme réaliste» pour justifier la politique migratoire du gouvernement, objet de critiques de la part d'associations catholiques. Avant lui, le président de la Conférence des évêques de France, Mgr Georges Pontier, a appelé à prendre en compte les «besoins des plus pauvres» pour «bâtir une nation fraternelle, juste et solidaire».
Alors que des états généraux de la bioéthique ont été ouverts en vue d'une révision législative, Mgr Pontier a redit l'opposition de l'épiscopat à l'élargissement à toutes les femmes de la PMA (procréation médicalement assistée), qui «ouvrirait un grand risque de marchandisation du corps». Il a aussi réaffirmé, sur la fin de vie, son refus d'une légalisation de l'euthanasie et du suicide assisté.
En réponse, Emmanuel Macron a souligné que la République «attend très précisément» que les catholiques lui fassent «trois dons: le don de votre sagesse, le don de votre engagement, le don de votre liberté». «L’Eglise n’est pas à mes yeux cette instance que trop souvent on caricature en gardienne des bonnes mœurs. Elle est cette source d'incertitude qui parcourt toute vie et qui fait du dialogue, de la question, de la quête, le cœur même du sens, même parmi ceux qui ne croient pas», a souligné le chef de l'Etat.
Pour lui, «ce ne sont pas les racines» chrétiennes «qui importent», «c'est la sève. Et je suis convaincu que la sève catholique doit contribuer encore et toujours à faire vivre notre Nation», a-t-il insisté, applaudi debout à la fin de son discours.
Parmi les 400 personnes invitées figuraient des élus, des chefs d'entreprise, des responsables associatifs mais aussi des personnes âgées, handicapées, précaires et leurs accompagnateurs, dont plusieurs ont témoigné de manière émouvante. On compte en France quelque 40 millions de baptisés mais à peine 2% des Français vont à la messe chaque dimanche.