Avec un TGV sur huit en moyenne et un train régional sur cinq, les cheminots ont donné le ton mardi de la mobilisation contre la réforme de la SNCF, le gouvernement assurant qu'il «tiendra bon» tandis que les usagers tentaient de trouver des solutions.
Comme l'avait anticipé la direction de la SNCF, le trafic est «très perturbé» pour ce premier jour d'une grève au long cours. La direction a recensé près d'un cheminot gréviste sur deux (48%) et jusqu'à plus de trois sur quatre chez les conducteurs (77%).
Les syndicats représentatifs (CGT, Unsa, SUD, CFDT) s'opposent à une réforme qui «vise à détruire le service public ferroviaire par pur dogmatisme idéologique». Dans leur viseur : la suppression de l'embauche au statut, l'ouverture à la concurrence et la transformation de la SNCF en société anonyme, prémices d'une future privatisation selon eux.
Ils estiment aussi que la réforme «ne réglera pas le sujet de la dette (46,6 milliards d'euros fin 2017 pour SNCF Réseau, ndlr), ni celui des dysfonctionnements».
Le projet de loi sur le pacte ferroviaire qui prévoit un recours aux ordonnances sur certains points, sera voté en première lecture le 17 avril à l'Assemblée nationale.
Le soir sera «plus dur»
Sur les grandes lignes, la SNCF a recensé un TGV sur huit en moyenne, l'axe Sud-Est étant le plus touché (un sur 10). Même chose pour les Intercités, dont sept lignes ne sont pas desservies. Résultat: dans les principales gares, les voyageurs étaient parfois moins nombreux que les «gilets rouges» de la SNCF mobilisés pour leur venir en aide.
Dans les régions, un TER et un Transilien sur cinq étaient annoncés. En Ile-de-France, la circulation des RER est variable selon les axes, allant d'un train sur deux à un sur cinq. Certaines branches ne sont pas desservies.
A l'entrée de Paris, le site Sytadin a constaté un trafic «exceptionnel» jusqu'à 8h, avant un retour à la normale.
Malgré le haut niveau de mobilisation, le gouvernement «tiendra bon dans l'écoute, dans la concertation, dans le dialogue», a déclaré mardi sur RMC et BFMTV la ministre des Transports, Elisabeth Borne. Au cours d'une conférence sur les investissements étrangers, le ministre de l'Economie, Bruno Le Maire, a assuré que la réforme «fera(it) de ce grand service public national un champion mondial de la mobilité».
Comme beaucoup de gares, notamment celle de Marseille Saint-Charles, celle de Nice était quasi déserte mardi matin. «Les gens ont anticipé. Je pensais que ce serait la cohue», commente Chloé, opticienne de 32 ans. Mais certains comme Emmanuel, 37 ans, redoutent déjà le retour du soir, qui «sera le plus dur, les trains sont déjà bondés en temps normal».
A Strasbourg, le calme de la gare ferroviaire contrastait avec l'effervescence de la gare routière où les lignes de bus privés faisaient le plein. «On a une suractivité effective d'environ 30%», a estimé Philippe Briswalter, chauffeur d'un bus mandaté par Flixbus.
Nombreux aussi sont ceux qui ont opté pour le covoiturage, comme Pierre, 24 ans, à Lille, qui a trouvé une place pour se rendre à Paris après y avoir consacré une bonne partie de la journée de lundi. «J'actualisais en permanence le site pour trouver un trajet, dès que j'ai vu cette place, j'ai cliqué immédiatement !».
Le sentiment des usagers oscillait entre compréhension des revendications des grévistes et agacement, à l'image de Julien Dufresne, manager commercial interrogé à Lille. «C'est leur droit de grève, ils ont le droit il n'y a aucun souci, maintenant pour ceux qui travaillent c'est un enfer, moi j'ai rien demandé, c'est moi qui subis».
«Repartir d'une page blanche»
Le mouvement se conjugue dans les airs avec la quatrième journée de grève chez Air France pour les salaires. La compagnie prévoit d'assurer 75% des vols.
Les remontrances du patron de la SNCF Guillaume Pepy ou de la ministre des Transports, fustigeant une grève «décalée» ou «incompréhensible» n'ont pas entamé la détermination des syndicats.
Malgré des modalités différentes, CGT, Unsa, SUD et CFDT sont tous lancés dans la bataille: une grève par épisode de deux jours sur cinq jusqu'au 28 juin pour CGT, Unsa et CFDT ; une grève illimitée reconductible par 24 heures pour SUD-Rail.
L'exécutif doit «repartir d'une feuille blanche», «s'asseoir de nouveau» à la table des discussions, a déclaré mardi Philippe Martinez, numéro un de la CGT, tandis que son homologue de la CFDT, Laurent Berger, estimait que «plus vite on discutera vite avec l'exécutif, plus on a de chances d'éviter un conflit dur».
«Les négociations se poursuivent», avec «une dizaine de réunions» prévues cette semaine, a insisté lundi Mathias Vicherat, directeur général adjoint de la SNCF.
Pour la presse, Emmanuel Macron et le gouvernement «jouent très gros» face à ce «premier os social» du quinquennat. «La guerre d'usure» est déclarée, titrent de conserve Le Parisien et Le Figaro.
D'autant que la tempête sociale ne s'arrêtera pas au rail, à Air France ou à la mobilisation des étudiants. La CGT, qui a déposé un préavis dans le secteur de l'énergie, a lancé mardi matin un mouvement dans la filière déchets (public et privé), avec des actions en Ile-de-France, dans le Nord, le Sud et l'Ouest.