Une enquête fait état du harcèlement sexiste dont seraient victimes les étudiants de la prépa Saint-Cyr face à une groupe de jeunes hommes «tradis», prêts à tout pour leur mettre des bâtons dans les roues.
Le journal Libération, interpellé par une ancienne étudiante de la «corniche» de Saint-Cyr, soit l'ensemble des classes préparatoires du lycée, a enquêté sur la violence morale dont sont victimes les jeunes femmes. Le résultat de ces investigations, paru vendredi dans le quotidien, est accablant.
Avant cela, certaines jeunes filles auraient tenté de prévenir la direction à plusieurs reprises, allant même jusqu'à écrire une lettre au président de la République, sans qu'aucune mesure ne permette vraiment de changer les choses.
Pourtant, les femmes subissent quasi-quotidiennement des pressions dans cette formation ultra-compétitive, que Mathilde, ancienne étudiante, qualifie de «vase clos réactionnaire et paternaliste».
En particulier, un groupe de jeunes hommes très conservateurs seraient à l'origine de cette atmosphère délétère. Le 29 novembre dernier, jour de fête dans le lycée militaire pour célébrer la bataille d'Austerlitz, un sketch illustre la façon dont ces derniers perçoivent et traitent les femmes.
«Scalpez les filles»
A cette occasion, une dizaine de garçons entrent en scène, torses nus, avec le symbole µ peint sur leur peau. Il s'agit d’un nom de code signifiant «misogyne», d'après une ancienne élève de prépa littéraire du lycée. «Il est tagué dans la cour, il est gravé sur les tables de classe. Bref, il est partout», assure-t-elle à Libération.
Une femme, la seule du spectacle, arrive alors et se fait «faussement» scalper par les jeunes hommes. «Youlez les grosses», s'exclament-ils. Une phrase qui signifie «scalpez les filles». L'expression les «grosses» est quant à elle, utilisée pour désigner les jeunes femmes, car elles «sont juste bonnes à être engrossées», d'après une étudiante interrogée par le quotidien.
Coups de pied, défécations et concombre d'or
De manière plus récurrente, les filles doivent subir des «coups de pied» réguliers contre leur porte en pleine nuit, mais aussi des défécations devant leur chambre et de nombreuses pancartes sexistes et parfois menaçantes. «A mort les grosses», peut-on ainsi lire sur certains murs.
Par ailleurs, la «récompense» informelle du «concombre d'or» vise à stigmatiser les étudiantes ayant eu le plus de relations sexuelles.
De manière plus sournoise et insidieuse, ce groupe de «tradis» cultive aussi une indifférence marquée à l'égard de toutes les filles de classes préparatoires. De cette manière, ils s'évitent également de communiquer à ces dernières les consignes importantes du commandement.
«Leur but, c’est qu’on décroche en fin de première année», résume Rebecca à Libération qui a quitté la prépa mi 2016 sans passer le concours de l’ESM (Ecole spéciale militaire) de Saint-Cyr.
«Il est inacceptable au XXIe siècle que des jeunes filles soient l'objet de telles discriminations», s'est indignée la ministre des Armées, Florence Parly, au micro de RTL, en réaction à ces témoignages. «Pour ce qui me concerne c'est tolérance zéro», a-t-elle souligné avant d'affirmer :
«Nous redoublerons d'efforts pour que ce comportement de minorité, car il s'agit bien d'une minorité agissante, cesse», a-t-elle ajouté en évoquant la possibilité d'«exclusions» ou de «sanctions éventuelles contre le corps enseignant».