Les passions se déchaînent autour de Bertrand Cantat, accueilli mardi à Grenoble par des cris d'«assassin !», alors que son concert prévu vendredi à Istres (Bouches-du-Rhône) a été annulé sous la pression.
L'échange a été tendu entre l'ancien leader du groupe Noir Désir et des manifestants réunis devant La Belle Electrique, la salle de concert grenobloise où il devait se produire dans la soirée.
Sur des vidéos diffusées par le quotidien Le Dauphiné libéré et la radio France Bleu Isère, on peut voir les manifestants crier «assassin !» et «casse-toi!» et lancer des projectiles en direction du chanteur, entouré de vigiles. Ces derniers tentent de contenir la bousculade.
Libéré en 2007 de la prison de Muret (près de Toulouse), Bertrand Cantat a purgé plus de la moitié de sa peine après avoir été condamné à huit ans de prison pour coups mortels sur sa compagne, la comédienne Marie Trintignant.
Cantat dénonce un «déchaînement de violence»
Dans un message sur Facebook, Bertrand Cantat explique avoir «voulu entamer une discussion» en allant à la rencontre des manifestants. «A peine apparu, un déchaînement de violence, d'insultes, une pluie de coups, aucune possibilité de discuter, de la violence, seulement de la violence, aucune écoute, aucun échange : Bref, le retour au moyen-âge», déplore le chanteur. «Ces gens sont sourds, et aveuglés par la haine. Peut-être se sentent-ils encouragés par le merveilleux climat ambiant», poursuit-il.
Lundi soir déjà, devant la salle de Montpellier où s'est produit Bertrand Cantat, une soixantaine de défenseurs des droits des femmes avaient invectivé les spectateurs se rendant au concert.
Le chanteur avait remercié sur Facebook son public que «quelques perturbateurs (avaient) tenté de culpabiliser, sans succès».
Quand le chanteur a entamé une tournée le 1er mars à La Rochelle pour promouvoir son premier album solo, «Amor Fati», les protestations sont venues de toutes parts : personnalités politiques et artistiques, collectifs féministes, anonymes sur les réseaux sociaux.
Quelques heures avant la diffusion lundi d'une interview de la mère de son ex-compagne, Nadine Trintignant, dans laquelle celle-ci exprimait son indignation de voir Cantat se produire sur scène, le chanteur a annoncé renoncer à se produire dans les festivals d'été.
La contestation grandissante avait déjà abouti à sa déprogrammation au festival Les Escales de Saint-Nazaire (Loire-Atlantique) et à l’Ardèche Aluna Festival en juillet.
Invoquant dans une lettre son «droit à la réinsertion», il a pourtant «renouvelé» sa «compassion la plus sincère, profonde et totale à la famille et aux proches de Marie». Ce renoncement avait été jugé insuffisant par Nadine Trintignant, qui l'a appelé mardi à s'arrêter «complètement».
Initialement, les dates de la tournée du chanteur, qui doit se terminer à l'Olympia les 29 et 30 mai, avaient été maintenues. Mais mardi, le concert prévu vendredi à Istres a été annulé par Scènes et Cinés, le gestionnaire de la salle «L'Usine» où devait avoir lieu la représentation, «face aux nombreuses réactions négatives de citoyens».
Bertrand Cantat a crié à la censure dans un message sur le réseau social. «Salut GRENOBLE! Pour 2 concerts avec vous!!!!! Pendant ce temps à ISTRES la Censure est en marche. Bravo au Conseil d'Administration de Scènes et Cinés, quel courage...», a-t-il publié.
Mardi, l'Observatoire de la liberté de création a estimé dans un communiqué que «Bertrand Cantat a le droit de chanter», toute en jugeant «légitime» le débat sur son retour artistique. «Cantat a le droit de chanter (...). Chacun est libre d'aller le voir, ou pas. Dans un Etat de droit, personne ne se fait justice à soi-même, et personne ne fait justice à quelqu'un d'autre en dehors de la justice», est-il indiqué.