Le projet de loi sur l'asile et l'immigration présenté mercredi en Conseil des ministres est un texte «totalement équilibré» qui «s'aligne sur le droit européen», a assuré Gérard Collomb en défendant les principales mesures de ce texte contesté.
Sur le doublement prévu à 90 jours de la durée maximale de rétention, l'un des points les plus sensibles, le ministre de l'Intérieur a estimé que «nous ne sommes pas exorbitants du droit commun européen» et «nous ne faisons que suivre la directive fixée par l'Union européenne» qui permet de définir une durée «entre 6 mois et 18 mois».
Le «projet de loi pour une immigration maîtrisée et un droit d'asile effectif» vise à réduire à six mois les délais d'instruction de la demande d'asile et à faciliter la reconduite à la frontière pour les déboutés. Il lance quelques pistes pour améliorer le séjour des personnes admises sur le territoire.
Ce texte «s'inscrit dans le cadre plus large de notre politique d'immigration et d'asile», qui «repose sur deux principes, humanité et efficacité», a affirmé lundi le Premier ministre Edouard Philippe.
Pour mettre en valeur le côté «humaniste», le Premier ministre a reçu ce jour-là un rapport sur l'intégration des étrangers aux mesures ambitieuses, dont il a promis que «les grands axes» seraient repris par le gouvernement.
Mais c'est surtout la «fermeté» affichée dans le projet de loi Collomb qui a focalisé l'attention ces dernières semaines. L'une des mesures-phares, visant à faciliter les expulsions, est le doublement de la durée maximale de rétention à 90 jours (voire 135 en cas d'obstruction), pour rapprocher la France de la moyenne européenne. «Le problème principal tient à notre législation, qui par rapport aux législations européennes est beaucoup plus favorable», selon M. Collomb.
Mais les associations tiquent. «La durée de rétention influe très peu sur les mesures exécutées», assure David Rohi, de la Cimade. D'autres mesures sont critiquées, notamment celles qui restreignent les possibilités de recours ou suppriment des droits pendant les périodes d'appels pour les déboutés.
Texte «profondément déséquilibré» pour France terre d'asile, «volonté de dissuasion» et «de tri» pour la Ligue des droits de l'Homme, «très net recul des droits» pour la Cimade... «Ci-git l'humanité d'Emmanuel Macron», a tweetté mercredi Médecins du Monde.
Grève à l'Ofpra
Plusieurs acteurs de l'asile sont d'ailleurs en grève mercredi, à l'Ofpra (Office français de protection des réfugiés et apatrides), mais aussi à la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) qui entamera son neuvième jour de contestation. Un rassemblement est prévu dans la matinée devant le Conseil d'Etat.
Ce texte veut «faire de la politique sur ces questions migratoires et c'est toujours dangereux» a déploré mercredi sur Cnews Stéphane Le Foll, l'un des candidats à la tête du PS.
A l'inverse, les Républicains (LR) se disent «très inquiets du laxisme du gouvernement face au défi migratoire». Le projet de loi «n'est pas à la mesure des enjeux» et présente même «des menaces assez fortes», a estimé le député LR Eric Ciotti sur Europe 1.
La «subversion migratoire est en marche», affirmait mardi Sébastien Chenu, porte-parole du Front national.
Le sujet divise: selon un récent sondage BVA, les Français sont majoritairement favorables au droit d'asile. Mais 63% d'entre eux jugent qu'«il y a trop d'immigrés» et 37% seulement adhèrent à l'action d'Emmanuel Macron en matière migratoire.
Ce texte arrive après la loi sur le droit des étrangers (en 2016), qui instaurait notamment un titre de séjour pluri-annuel, et la réforme du système d'asile (en 2015), qui s'est vite trouvée sous-calibrée avec la crise migratoire en Europe. Il y a eu 100.000 demandes d'asile en France l'an dernier.
Et les esprits sont déjà échauffés par la «circulaire Collomb» sur le recensement des migrants dans l'hébergement d'urgence, que le Conseil d'Etat a refusé de suspendre mardi.
La grogne, d'abord cantonnée aux défenseurs des étrangers, a depuis gagné les milieux intellectuels, jusqu'aux proches d'Emmanuel Macron, et une partie des députés La République en marche, qui s'interrogent sur la logique répressive du texte.
Lâchant du lest, le gouvernement a déjà renoncé à la notion de «pays tiers sûr» (un pays de transit où les demandeurs auraient pu être renvoyés).
Mais les discussions s'annoncent serrées pour amender le texte, avant les débats parlementaires. La ministre Jacqueline Gourault a prévenu : les chances que les dispositions soient adoptées avant le 30 juin «sont maigres».