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Le suivi des enfants de jihadistes, défi des prochaines années

Le suivi des enfants de jihadistes, défi des prochaines années [Zein Al RIFAI / AFP/Archives] Le suivi des enfants de jihadistes, défi des prochaines années [Zein Al RIFAI / AFP/Archives]

«Ce sera l'un des enjeux des années à venir», selon le procureur de Paris François Molins. Comment accompagner les enfants de jihadistes français de retour de Syrie ? En Seine-Saint-Denis, des professionnels expliquent cette prise en charge «inédite».

La scène s'est répétée à intervalles réguliers ces derniers mois : un avion en provenance de Turquie se pose à Roissy. A son bord, des familles de jihadistes français de retour d'Irak et de Syrie.

Sur le tarmac, des policiers attendent les parents, qui sont immédiatement conduits en garde à vue et très souvent incarcérés. Les enfants, eux, relèvent d'un juge des enfants. Dans le cadre de l'Aide sociale à l'enfance (ASE), ils sont placés en famille d'accueil ou dans un foyer.

A ce jour, 46 enfants «revenants» ont été suivis par le parquet de Bobigny, juridiction à laquelle est rattaché l'aéroport de Roissy-Charles de Gaulle. Au total, la Chancellerie recense 66 mineurs revenus en France. La plupart sont très jeunes. En Seine-Saint-Denis, la majorité ont moins de cinq ans. Aucun n'a le profil de «mineurs combattants», qui relèvent, eux, de la section antiterroriste du parquet de Paris.

Dans les premiers jours suivant leur retour, des examens ont lieu pour évaluer leur état de santé physique et psychologique. Outre le «choc lié à la séparation», beaucoup «ont été endeuillés d'un parent, parfois de plusieurs membres de la famille», détaille à l'AFP un psychiatre, responsable d'un service chargé de leur suivi en Ile-de-France.

Sans parler de «la fuite avec leur mère, dans des contextes dramatiques, les bombes, les incarcérations». Parmi les plus jeunes, certains ont passé la «moitié de leur vie en détention». Plusieurs ont «vu des images violentes», ajoute-t-il sans s'étendre.

«Peur»

Autant de traumatismes, qui donnent lieu à divers symptômes. Certains souffrent de stress post-traumatique, d'autres manifestent des troubles de l'attachement, des syndromes dépressifs, des retards de développement.

Des troubles souvent «très proches» de ceux que les professionnels ont l'habitude de rencontrer chez les enfants exposés à de graves violences. Mais pour les travailleurs sociaux, leur situation est inédite : «ce qui est particulier c'est l'histoire familiale, ce n'est pas n'importe quels parents», explique ainsi à l'AFP une responsable de l'ASE.

A ce profil particulier, s'ajoute le haut niveau de «vigilance institutionnelle» entourant la prise en charge. Et une certaine «pression» due à l'importance de l'enjeu : «avec ces enfants, il y a le sentiment qu'on ne peut pas se louper», résume la responsable. «Tout ça peut faire peur. Certains travailleurs sociaux ne se sont pas sentis en capacité de s'y coller».

Mais la prise en charge se structure peu à peu: des travaux de recherche ont été lancés, des formations pour assistants familiaux, éducateurs et psychologues, se mettent en place dans toute la France. L'enjeu : constituer un réseau de praticiens pour suivre ces enfants sur le long terme, même une fois de retour dans leur famille proche ou élargie. Sur les 46 mineurs suivis à Bobigny, 10 ont été remis à leurs familles restées sur le sol national, selon le parquet.

 Francois Molins à Paris le 10 septembre 2017 [Bertrand GUAY / AFP/Archives]

Francois Molins à Paris le 10 septembre 2017[Bertrand GUAY / AFP/Archives]

«Bombes à retardement» ? 

Le procureur de Paris, François Molins, a récemment insisté sur la nécessité d'une prise en charge «spécifique» et au «long cours», pour éviter que ces jeunes ne deviennent des «bombes à retardement». Leur suivi «sera un des gros enjeux des années à venir», a-t-il insisté.

Un avis partagé par les professionnels : «quand ils vont grandir, il y a des questions qui vont les travailler. Il faudra que quelqu'un les aide à y répondre», explique le psychiatre. A l'adolescence notamment. A l'âge «où l'on se demande "quel adulte je veux être ?"», où se posent les «questions de loyauté», ce «sentiment de devoir être loyal envers certaines personnes, notamment ses parents».

«S'ils ont un soutien éducatif et psychologique à ce moment-là, on peut espérer que les choses évoluent positivement», ajoute le médecin.

Pour l'instant, et même s'il est encore tôt pour en tirer des conclusions, des résultats encourageants sont observés. Les enfants «revenants» «reprennent les chemins d'un enfant de leur âge». «De façon plus ou moins longue, plus ou moins heurtée», mais «il y a une extinction des premiers symptômes», note la responsable de l'ASE. Ils «retournent vers le jeu, vers les autres, sont scolarisés». Le psychiatre complète : comme pour tous les enfants, «rien n'est joué, rien n'est écrit».

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