Salah Abdeslam, seul membre encore en vie des commandos jihadistes du 13 novembre 2015 à Paris, a décidé de ne pas se représenter à son procès organisé à Bruxelles sur une autre affaire, anéantissant les minces espoirs qu'il s'exprime enfin sur les faits.
L'annonce, qui est une demi-surprise, est venue mardi à la mi-journée du président du tribunal, au lendemain d'une première journée de procès marquée par la diatribe, courte mais virulente, de Salah Abdeslam contre la justice et les médias.
Le procès va donc se poursuivre sans lui jeudi, avec comme point d'orgue les plaidoiries des avocats de la défense.
«Il m’est apparu important de vous informer que monsieur Salah Abdeslam a informé le tribunal qu’il ne souhaitait pas comparaître à l’audience de ce jeudi 8 février», a annoncé dans un communiqué Luc Hennart, qui organise ce procès en tant que président du tribunal de première instance francophone de Bruxelles.
Avec un complice, le Tunisien Sofiane Ayari, 24 ans, Salah Abdeslam, Français d'origine marocaine âgé de 28 ans, est jugé pour avoir tiré sur des policiers à Bruxelles à la fin de sa cavale, le 15 mars 2016.
Alors qu'il s'est muré dans le silence face aux enquêteurs depuis son incarcération en France en avril 2016, il avait souhaité comparaître à ce procès dans la capitale belge, où il a grandi et où il a été arrêté le 18 mars 2016.
Mais lundi à l'ouverture de l'audience il a d'emblée signifié son refus de répondre aux questions, puis il a défié les juges.
«Attitude décevante»
«Je n'ai pas peur de vous, je n'ai pas peur de vos alliés, de vos associés, je place ma confiance en Allah et c'est tout», a-t-il lancé au tribunal.
Il a sous-entendu qu'il n'y avait pas de preuves dans le dossier pour l'accuser d'avoir fait feu sur des policiers le 15 mars 2016, ajoutant : «J'aimerais qu'on n'agisse pas pour satisfaire l'opinion publique», sinon ça serait «céder votre fonction aux médias».
Garder le silence à son procès est un droit garanti par la loi, et l'attitude d'Abdeslam a été jugée «décevante mais pas surprenante» par des victimes ou parties civiles au dossier.
Toutefois, lundi à la fin des débats, certains avocats n'excluaient pas un possible revirement du prévenu vedette.
«Le procès n'est pas encore fini, il pourra encore décider de s'exprimer d'autant plus, je pense, que tout le monde a exprimé calmement son point de vue», avait ainsi fait valoir Me Maryse Alié, qui défend cinq des six policiers cibles des tirs lors de la perquisition de routine qui avait mal tourné.
De son côté Me Sven Mary, avocat de Salah Abdeslam, confiait lundi soir à l'AFP ne pas croire au scénario d'un refus de comparution de la part de son client. «Nous en prenons acte», a simplement réagi mardi après-midi son associé, Me Romain Delcoigne.
Laura Séverin, avocate de Sofiane Ayari, également jointe par l'AFP, s'est elle refusée à tout commentaire.
Lundi, une peine de vingt ans de prison assortie d'une période de sûreté des deux tiers -soit le maximum encouru- a été requise à l'encontre de deux prévenus.
Ils doivent répondre de «tentative d'assassinat sur plusieurs policiers» et «port d'armes prohibées», le tout «dans un contexte terroriste».
Le procès était très attendu car les enquêteurs ont acquis la conviction qu'Abdelsam et Ayari appartiennent à la même cellule jihadiste à l'origine de plusieurs attentats majeurs depuis 2015.
Les attentats de novembre 2015 à Paris (130 morts), ceux du 22 mars 2016 à Bruxelles (32 morts) et l'attaque avortée dans le train Thalys Amsterdam-Paris en août 2015 relèvent «peut-être d'une unique opération» de l'organisation Etat islamique, d'après la justice belge.
Selon l'Administration pénitentiaire française, interrogée mardi, Salah Abdeslam reste «pour le moment» incarcéré à la prison de Vendin-le-Vieil (nord de la France), où il était prévu qu'il séjourne pendant la durée du procès.