L'appel à la démission de Gérald Darmanin, réitéré publiquement mercredi par Laurent Wauquiez, illustre les débuts difficiles du président des Républicains (LR), dont la position est contestée par de nombreux cadres dirigeants du parti.
Laurent Wauquiez persiste. Venu, avec Valérie Pécresse, soutenir Antoine Savignat, candidat à l'élection législative partielle dans le Val-d'Oise, le président de LR a martelé son appel à la démission du gouvernement du ministre des Comptes publics, mis en cause pour viol.
«Je pense qu'il est très difficile pour les Français de comprendre qu'un ministre qui fait l'objet de telles accusations soit maintenu au gouvernement», a-t-il déclaré à la presse.
Et le président de LR de dérouler l'argument servi mardi aux députés LR. «Il y a un vrai problème de cohérence de la part d'Emmanuel Macron et du Premier ministre. Il y a quelques mois, des ministres ont quitté le gouvernement pour des soupçons d'emplois fictifs sans être mis en examen. Comment comprendre que ce qui valait il y a quelques mois pour des emplois fictifs ne serait pas appliqué pour des accusations aussi graves ?»
Surtout, M. Wauquiez «entend la diversité des paroles et des expressions». «Mais je pense très profondément que les Français attendent une exemplarité très forte de la part de leurs dirigeants. Si le président de la République ne l'entend pas et ne le comprend pas, il fait une profonde erreur», a-t-il estimé.
Cette phrase s'adressait-elle uniquement à Emmanuel Macron ? Nombreux sont les cadres LR à ne pas partager la position de leur nouveau président.
«C'est très dépassé. Ca apparaît comme de la vieille politique et les Français ne sont pas dupes», estime l'un d'entre eux.
Président du Conseil national et figure respectée du parti, Jean Leonetti a appelé mercredi les troupes LR au «calme» et à la «pudeur». «On n'est pas obligé non plus, lorsqu'on est un dirigeant politique comme l'est Laurent Wauquiez aujourd'hui, d'intervenir à tort et à travers sur tous les sujets», a-t-il dit.
«La clarté n'interdit pas la subtilité»
«Nous qui avons dénoncé en son temps le lynchage médiatique de nos candidats (dont François Fillon, ndlr), on devrait avoir un peu de pudeur et ne pas se mettre dans la situation dans laquelle on demande la démission», a lâché le maire d'Antibes-Juan-les-Pins dans une prise de distance aussi nette qu'inattendue.
Cette sortie d'un élu centriste respecté s'ajoute aux nombreux points de vue divergents qui se sont exprimés depuis l'appel à la démission lancé lundi par la porte-parole du parti, Laurence Sailliet, lors du point-presse hebdomadaire.
Tour à tour, deux vice-présidents, Virginie Calmels et Guillaume Peltier, ont pris leurs distances avec cette position officielle, invoquant la présomption d’innocence. Même chose, entre autres, de la part des députés Eric Ciotti et Eric Woerth.
«Fouquier-Tinville (accusateur public sous la Terreur révolutionnaire) est de retour», a écrit, selon Le Monde, l'ancien ministre Brice Hortefeux à Gérald Darmanin. M. Hortefeux est vice-président d'Auvergne-Rhône-Alpes et conseiller à la présidence du parti auprès de M. Wauquiez.
Très critique envers la ligne de LR, désormais hors des instances dirigeantes, le maire de Nice Christian Estrosi a dénoncé une «démarche totalement pitoyable». «Les mêmes qui demandent sa démission sont ceux qui n'ont pas demandé celle de François Fillon lorsqu'il a été mis en examen au moment de la campagne présidentielle», a-t-il pointé.
Pour le vice-président du parti Damien Abad, «on n'est pas sur un sujet définissant une ligne politique, comme sur l'économie, l'immigration, la sécurité». «Ce qu'a dit Laurent Wauquiez, c'est que chacun peut avoir son appréciation personnelle et individuelle», explique le vice-président Damien Abad.
«Laurent a une stratégie politique et ça a pu lui donner raison par le passé: il choisit la clarté. Mais la clarté n'interdit pas la subtilité», estime un dirigeant LR.