«On a perdu une bataille, il faut faire avec». Dans le très chic 16e arrondissement de Paris, le centre d'hébergement pour sans-abris ouvert il y a un an ne provoque plus la colère des riverains, «résignés» pour les uns, «indifférents» pour les autres.
«Les sans-abri ? Je ne les ai jamais vus», lance sans détour Mara Zabrey, retraitée, qui vit dans le quartier depuis «plus de dix ans». «Il n'y a jamais eu d'incident mais ce n'est pas la question... On ne nous a jamais demandé notre avis», dit-elle.
Ouvert le 5 novembre 2016, le centre, baptisé «La promesse de l'aube», composé de plusieurs modules en bois, long de 196 mètres pour 8 mètres de large, est installé dans l'Allée des Fortifications, en lisière du bois de Boulogne à quelques dizaines de mètres d'immeubles cossus. Un quartier calme et boisé prisé des familles ainsi que des retraités.
Son installation avait suscité l'ire d'une partie des riverains ainsi que du maire d'arrondissement de l'époque, Claude Goasguen, qui, dans une pétition, avait comparé le projet à «Sangatte», en référence à l'ancien centre pour migrants de Calais.
La tension était montée d'un cran en mars 2016, lors d'une réunion publique entre les représentants de l'Etat et des riverains, qui avait tourné au pugilat. Dans la foulée, le centre avait fait l'objet de deux tentatives ratées d'incendie.
Un an plus tard, pour beaucoup de voisins, ces polémiques sont de l'histoire ancienne. «On a presque oublié son existence», résume Gérard Lamp, la soixantaine, béret gris sur la tête. Ce propriétaire d'un deux-pièces dans l'une des résidences qui jouxte le bois de Boulogne, espère néanmoins que le centre ne reste pas «ad vitam aeternam» dans le quartier.
«Nous avons été forcés de nous résigner», juge Valérie, habitante «historique» du 16e arrondissement qui souhaite rester anonyme.
«Atmosphère plus apaisée»
Si beaucoup affirmaient craindre des nuisances avec l'arrivée de cette structure, la première du genre dans cet arrondissement fortuné de la capitale, «les choses se passent bien», reconnaît auprès de l'AFP l'ancien maire LR de l'arrondissement Claude Goasguen. «Les équipes d'Aurore, l'association qui gère le centre, font un travail de bonne qualité et la sécurisation du lieu est réussie».
Pour Mathieu Garin, le directeur du centre, le projet est une réussite. «L'atmosphère est plus apaisée, les polémiques se sont arrêtées à l'ouverture du centre. D'ailleurs beaucoup d'habitants ont proposé de venir faire du bénévolat», assure-t-il.
La gestion de la structure est assurée par une quinzaine de salariés qui s'occupent des repas et de l'entretien. Cinq travailleurs sociaux se relaient également afin d'aider les occupants dans leurs démarches administratives.
Car le site a atteint sa pleine capacité. Il accueille aujourd'hui 203 personnes, principalement des familles avec enfants mais également des personnes isolées.
«Je suis plus sereine, ce centre a été une chance pour mes enfants et moi», raconte Mimoza Cerriku. Cette Albanaise de 34 ans a fait partie, avec ses jumeaux, des premiers occupants du centre. «Ici, on ne manque de rien et le quartier est très bien avec le bois et les parcs pour les enfants... Même si certains voisins ne sont pas toujours très aimables», ajoute la jeune femme.
La mairie PS de Paris, qui avait porté le projet, se félicite également de cette première année sans embûches. «Ca fonctionne!», se félicite Ian Brossat, adjoint (PCF) à la mairie de Paris en charge du logement.
«Le bon fonctionnement de ce centre est un encouragement à continuer et à poursuivre le rééquilibrage est-ouest», ajoute-t-il, en référence à la grande partie des structures sociales se trouvant dans l'est parisien.
«Quand je regarde tous les dons des habitants du quartier, ainsi que les propositions de bénévolat... Tout ça, c'est un cadeau du 16e arrondissement», s'enthousiasme Mathieu Garin.
La mairie, qui avait promis que le centre ne resterait dans le quartier que trois ans, a bien l'intention de «tenir son engagement», affirme Ian Brossat.