Daesh se retranchait samedi dans la ville syrienne de Boukamal où doit se jouer l'ultime bataille contre l'organisation jihadiste chassée de la majeure partie des zones occupées pendant trois ans en Syrie et en Irak voisin.
En 24 heures, Daesh a perdu deux importants fiefs : du côté irakien, Al-Qaïm, et surtout du côté syrien, Deir Ezzor, dernière grande ville sous son contrôle dans les deux pays voisins.
Acculés dans une zone à cheval entre l'est de la Syrie et l'ouest de l'Irak, les combattants du groupe jihadiste font face à des offensives des deux côtés de la frontière.
Samedi, l'armée syrienne intensifiait sa campagne militaire en vue de s'emparer de la ville de Boukamal, située dans la province de Deir Ezzor tout près de la frontière irakienne.
Bien que Boukamal soit une ville moins grande que Deir Ezzor, sa capture priverait Daesh du dernier fief urbain de son «califat» autoproclamé en 2014 et désormais effondré.
Dans l'est syrien, «il ne reste plus à Daesh que Boukamal et une trentaine de villages de part et d'autre du fleuve de l'Euphrate», explique à l'AFP Rami Abdel Rahmane, directeur de l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH).
6% de la Syrie et de l'Irak
Dès vendredi, des camions transportant des dizaines de jihadistes fuyant Al-Qaïm ont traversé la frontière en direction de Boukamal, selon l'OSDH.
La frontière est tellement poreuse que des unités paramilitaires irakiennes du Hachd al-Chaabi l'ont traversée pour pourchasser Daesh selon l'OSDH avant d'être repoussées par les jihadistes.
Les forces du régime syrien progressent, elles, vers Boukamal «et sont désormais à moins de 30 km de la ville», d'après l'OSDH qui dispose d'un large réseau de sources à travers la Syrie en guerre.
Appuyées par les raids aériens de l'allié russe et par des milices étrangères au sol, elles avancent du côté ouest de Boukamal, à partir de la «T-2», une station de pompage de pétrole en plein désert.
Daesh s'était emparé de la quasi-totalité de la province riche en pétrole de Deir Ezzor en 2014, profitant du chaos engendré par la guerre en Syrie déclenchée en 2011.
Aujourd'hui, ils sont pris en étau et sont la cible de trois offensives distinctes; dans la province de Deir Ezzor ils sont visés par le régime ainsi que par une alliance arabo-kurde et dans l'ouest de l'Irak par les troupes gouvernementales.
«Daesh contrôle encore des zones à cheval entre la Syrie et l'Irak, qui représentent 6% du territoire des deux pays ensemble, c'est là que se jouera la dernière bataille», affirme Hicham al-Hachemi, expert irakien de Daesh.
Cette zone «se rétrécit chaque jour la coalition doit et va priver Daesh de tout refuge sûr en Irak et en Syrie», a rappelé le colonel Ryan Dillon, porte-parole de la coalition internationale dirigée par les Etats-Unis qui aide militairement les forces irakiennes et l'alliance arabo-kurde.
Civils perdus
Pris au piège des violences, les nombreux civils cherchent à fuir les dernières zones jihadistes.
«Ils se trouvent perdus notamment dans les zones désertiques, où les communications sont inexistantes», souligne M. Abdel Rahmane.
«Ces dernières semaines, près de 350.000 personnes, dont 175.000 enfants, ont risqué leur vie pour pouvoir se mettre à l'abri et échapper à l'escalade à Deir Ezzor», selon l'ONG Save the Children.
Dans la ville Deir Ezzor, reprise jeudi par le régime, les soldats ont célébré la victoire au milieu des immenses destructions provoquées par les combats.
«Deir Ezzor représente la phase finale dans l'élimination totale de» Daesh, a assuré l'armée syrienne.
Au fil des batailles, les jihadistes ont été chassés de toutes les grandes villes qu'ils avaient conquises, principalement Mossoul en Irak, reprise par les forces irakiennes, et Raqa en Syrie, prise par la coalition arabo-kurde des Forces démocratiques syriennes (FDS).
Celle-ci progressait également face à Daesh, le chassant de deux villages sur la rive est de l'Euphrate.
Ce fleuve divise diagonalement la province de Deir Ezzor, avec l'armée positionnée notamment du côté ouest et les FDS du côté est.
En Irak, les forces gouvernementales ont chassé vendredi Daesh d'Al-Qaïm, gros bourg du désert au coeur de son dernier bastion dans le pays.
Il ne reste désormais plus aux forces irakiennes qu'à s'emparer de la localité voisine de Rawa et des environs désertiques pour reprendre à Daesh la totalité des territoires occupés depuis 2014.
Mais selon les experts, les revers de Daesh ne signifient ni la défaite définitive ni l'éradication de l'organisation jihadiste.