Avec le début de la trêve hivernale, ce mercredi 1er novembre, Frédérique Kaba, directrice des missions sociales à la Fondation Abbé-Pierre, revient sur les démarches que doivent entreprendre les ménages fragilisés pendant cette période et sur le rôle de l'Etat pour influer sur les expulsions.
Pourquoi la trêve hivernale constitue-t-elle un dispositif important aujourd’hui ?
La trêve hivernale est très importante car elle permet aux familles et aux personnes d’avoir une protection pendant l’hiver et d’être accompagnées pour trouver des solutions. Cette année, grâce à la loi Egalite et Citoyenneté, la trêve hivernale s’applique aussi aux personnes vivant dans des bidonvilles. En 2016, 15.200 ménages ont été expulsés, soit plus de 34.000 personnes. C’est un chiffre alarmant car ces quinze dernières années il y a eu 140% d’augmentation des expulsions. Le nombre de familles expulsées avec le concours de la force publique augmente et celui de personnes qui se retrouvent à la rue aussi.
Que doivent faire les ménages pour se protéger pendant cette période ?
La trêve hivernale représente la possibilité d’être accompagné quand on est fragilisé, car on ne sait pas forcément faire le nécessaire pour se protéger et utiliser les leviers de la loi. Les ménages doivent absolument contacter leur assistante sociale de secteur. Ils peuvent aussi appeler la plateforme «Allo Prévention Expulsion», mise en place par la Fondation Abbé Pierre, qui permet aux personnes d’être orientées vers une permanence d’accès aux droits ou vers des services publics qui doivent les accompagner quand elles sont en risque d’expulsion.
Existe-t-il des dispositifs pour aider les familles en difficulté à payer leurs loyers ?
Dans le cadre de la procédure d’expulsion, des juges peuvent d’abord statuer pour des délais de paiement pour les ménages. Il existe également le Fonds Solidarité Logement (FSL), une mesure départementale qui doit permettre de maintenir dans le logement. Elle aide à résoudre partiellement la dette si le ménage a eu un problème de ressources ou un loyer trop élevé par rapport à ses ressources et se trouve dans l’attente d’une nouvelle affectation de logement. Le maintien des APL en cas de loyers impayés, voté en 2016, permet aussi aux ménages d’avoir des restes suffisants pour vivre.
Qu’attendez-vous de l’Etat pour faire baisser le nombre d’expulsions ?
Il faut d’abord que les préfets appliquent les mesures et n’expulsent pas, par exemple, les ménages reconnus prioritaires DALO. La loi sur le Droit Au Logement Opposable a été créée en 2007 et permet aux personnes mal logées de faire valoir leur droit à un logement digne. Ensuite si l’expulsion va au bout, il faut proposer une solution aux ménages et ne pas recourir immédiatement au concours de la force publique en cas d’absence de solution.
Enfin, l’Etat doit créer une garantie universelle des loyers pour permettre aux plus fragiles de ne pas se retrouver dans la rue alors qu’ils peuvent être maintenus dans leurs logements ou bénéficier d’un logement moins couteux. Nous appelons l’Etat à mettre en œuvre une vraie politique de prévention des expulsions. En 2016, il y a cependant eu un effort de sa part. Il a, en effet, chargé la Délégation interministérielle à l'hébergement et à l'accès au logement (DIHAL) de créer un pôle national de prévention des expulsions.