Avant de pouvoir lancer la construction de la maison «moderne» dont elle rêve, Catherine va devoir patienter encore un peu. Sur son terrain situé à Auch (Gers), des archéologues ont mis au jour une vaste demeure aristocratique gallo-romaine du IIIe siècle ornée de mosaïques très décorées.
Feuilles de lierre, de vigne, d'acanthes et de lauriers, octogones, carrés, cocardes...: les motifs floraux et géométriques des grandes mosaïques colorées qui tapissaient le sol de cette «Domus» à partir du IVe siècle sont extrêmement variés.
La demeure «est de très bonne qualité architecturale», souligne Pascal Lotti, responsable scientifique de cette fouille sur 800 m2 prescrite par l'Etat et menée par l'Inrap (Institut national de recherches archéologiques préventives). La résidence a subi de nombreux remaniements. Peu après les années 330 de notre ère, elle a été dotée des grandes mosaïques, de style aquitain, dans au moins trois des sept pièces recensées pour la partie de la demeure fouillée (le reste de la Domus s'étend chez le voisin...).
Elle a également été équipée d'un ensemble thermal permettant le chauffage au sol des pièces et comportant des bains privés. C'est une pièce de monnaie retrouvée sous le système de chauffage qui a permis de dater les mosaïques. «La demeure semble avoir appartenu à un grand notable, soit un Romain, soit quelqu'un issu de l'élite gauloise romanisée», estime Pascal Lotti.
A la fin du Vè siècle, la demeure est abandonnée, ses matériaux sont récupérés, ce qui endommage les mosaïques. La fouille se déroule au coeur de la cité antique, Elimberris, en contrebas du centre urbain moderne d'Auch. A la fin de l'Antiquité, elle a été délaissée au profit des hauteurs de la ville. Cela a sanctuarisé archéologiquement la zone qui n'a été réurbanisée que vers la fin du XIXe et au XXe. Les jardins y sont encore nombreux.
Le temps presse
«J'ai acheté un champ», souligne Catherine, la propriétaire du terrain qui veut y construire «une petite maison, beaucoup plus simple» que la Domus «pour sa retraite».
Au moment de l'achat, les services de l'Etat lui avaient bien expliqué que le terrain allait être fouillé avant que les travaux puissent commencer. Mais elle ne s'attendait pas à une telle découverte. La fouille en elle-même ne lui coûte rien car les frais sont pris en charge par le Fonds national pour l'archéologie préventive.
Pascal Lotti, qui a mené un diagnostic en 2014, avait perçu le potentiel archéologique de la parcelle. La fouille a commencé le 20 avril. «Au premier coup de pelle mécanique, nous sommes tombés sur une mosaïque», raconte-t-il avec un grand sourire. Depuis, les bonnes surprises se succèdent. Plusieurs niveaux de mosaïques, de styles différents, ont été décelés. Certains décors pourraient remonter au Ier siècle avant notre ère.
Le temps presse. La fouille est censée se terminer fin septembre. «C'est tendu en termes de délais», reconnaît l'archéologue. Des spécialistes s'activent actuellement sur le chantier pour préparer l'entoilage des mosaïques qui aura lieu la semaine prochaine. Elles seront ensuite prélevées délicatement en vue de leur restauration.
Assez peu d'objets ont été dégagés pour le moment de la fouille. Mais Pascal Lotti a découvert une pépite qui lui a «donné des frissons»: un petit objet du Bas-Empire qui représente un lion à la crinière ondulante. Cet animal, qui était peut-être ailé, a été sculpté dans de l'ivoire ou du bois de cerf à première vue.
«Cette fouille montre le cercle vertueux de l'archéologie préventive», souligne Dominique Garcia, président de l'Inrap. «La propriétaire va pouvoir construire son terrain. Nous allons produire de la connaissance sur le passé gallo-romain d'Auch. Et la dépose des mosaïques, qui rejoindront peut-être un jour un musée, devrait permettre au public de les découvrir», ajoute-t-il. Le passé gallo-romain d'Auch reste encore largement à explorer car cette partie de la ville n'a été fouillée qu'une seule fois, en 1997.