Quinze années d'enquête et quatre mois d'audience : le troisième procès AZF, qui n'a pas apporté de révélation sur la pire catastrophe industrielle récente en France, entre mercredi dans sa dernière ligne droite.
Les réquisitions, qui s'annoncent longues et techniques, à l'image du procès lui-même, commencent mercredi après-midi et se prolongeront jeudi. Elles seront prononcées par deux avocats généraux. Depuis fin janvier, une cour d'appel de Paris spécialisée dans les «accidents collectifs» juge la société exploitante de l'usine, Grande Paroisse, filiale du géant Total, et l'ancien directeur du site, Serge Biechlin, pour «homicides involontaires». Celui-ci risque jusqu'à trois ans d'emprisonnement et 45.000 euros d'amende, l'entreprise 225.000 euros d'amende.
Le 21 septembre 2001 à 10h17, une très violente explosion dans cette usine chimique toulousaine à haut risque entraîne la mort de 31 personnes. La catastrophe a causé une émotion considérable à Toulouse, où les audiences parisiennes ont été retransmises, sans toutefois enlever aux parties civiles - 2.700 au total - le sentiment que le procès leur a été volé.
Mais plus que la frustration, c'est surtout une certaine lassitude qui se manifestait avant les réquisitions. «Quinze ans, c'est bien trop long, il faut que ça s'arrête. Parce que ce procès a été épuisant, pénible», dit Pauline Miranda, de l'association des sinistrés du 21-Septembre.
«Piste accidentelle»
«Tout le monde attend la fin du procès pour se reposer, et surtout le jugement. J'espère qu'on en finira avec cette affaire», abonde Gérard Ratier, président de l'association des Familles endeuillées, qui s'inquiète déjà d'une procédure en cassation en cas de condamnation. Le premier procès AZF, en 2009, avait débouché sur une relaxe, au bénéfice du doute sur les causes exactes de la catastrophe. Le second, en appel en 2012, avait au contraire condamné Serge Biechlin et Grande Paroisse aux peines maximales - avant que cette décision ne soit annulée par la Cour de cassation.
Lors du troisième procès, les lignes n'ont guère bougé. Les victimes pointent une gestion défaillante du site ayant conduit à la mise en contact accidentelle de produits chimiques incompatibles. Pour la défense, rien ne vient soutenir sans doute possible cette "piste accidentelle". Les avocats des prévenus ont avancé d'autres hypothèses: celle d'un acte terroriste ou d'une explosion due à de très vieux résidus de poudre dans le sol.
Le procès doit s'achever le 24 mai
«C'est de la manipulation qui permet à Total d'essayer de s'exonérer de sa responsabilité», dénonce Sophie Vittecoq, de l'association Plus jamais ça, ni ici, ni ailleurs. Les parties civiles réclament, sans succès jusqu'ici, que la maison-mère soit jugée pour la catastrophe, aux côtés de sa filiale. «On fait l'audit d'une usine, avec des gens en robes tout à fait estimables qui ne connaissent rien au fonctionnement industriel. On en arrive à entendre un certain nombre d'inepties qui nous font perdre du temps», s'énerve Jacques Mignard, président de l'association Mémoire et solidarité, constituée d'anciens salariés qui, eux, ne croient pas à la piste accidentelle.
La défense plaidera à partir de la semaine prochaine et le procès doit s'achever au plus tard le 24 mai. La décision de la cour d'appel ne sera rendue qu'après plusieurs semaines.