Quelque 1 609 migrants dont 75 femmes et mineurs isolés ont été évacués mardi matin de campements insalubres installés autour de la Porte de La Chapelle, dans le nord de Paris.
Une «mise à l’abri» record depuis celle du campement de Stalingrad en novembre 2016 et l’ouverture du centre de premier accueil de la porte de la Chapelle. Ces personnes – d’origine afghane, soudanaise et érythréenne majoritairement – attendaient là de pouvoir intégrer la structure, gérée par Emmaüs Solidarité. Mais pour Bruno Morel, le directeur de l’association, celle-ci «n’est plus en capacité de pouvoir absorber les nouvelles arrivées».
Quel bilan dressez-vous depuis l'ouverture du centre de la porte de la Chapelle dont vous avez la charge ?
«Je tire un bilan globalement positif. En six mois, 10.000 personnes ont pu être hébergées. Et j'insiste, c'est plutôt considérable. Mais le centre n'est plus en capacité d'absorber les nouvelles arrivées.»
Une nouvelle évacuation de plus de 1.600 personnes a eu lieu, quel est votre ressenti ?
«L'opération s'est passée dans le calme. Mais là, il s'agissait de petits campements. On est loin du niveau des campements qu'on a connu en novembre notamment, dans lesquels on dénombrait jusqu'à 4.000 personnes. Il faut que l'Etat accélère les orientations vers les CAO (centres d'accueil et d'orientation) et les CHU (centres d'hébergement d'urgence).»
Que se passe-t-il maintenant pour elles ?
«Dans un premier temps, elles vont être hébergées dans des gymnases et dans d'autres structures d'hébergement dans toutes l'Ile-de-France, avant de pouvoir intégrer des CAO.»
Les arrivées de migrants à Paris sont-elles plus nombreuses ?
«Nous avons bien noté une légère augmentation des arrivées, sûrement due à l'arrivée du printemps. Le parcours migratoire étant facilité à cette période. Depuis quelques semaines, on constatait l'installation de ces personnes, mais nous fonctionnons pour eux en "accueil de jour". Pour le reste, les entrées sont conditionnées par les sorties.»
Quel est votre objectif ?
«Le vrai sujet, c'est la fluidité. L'idéal serait d'atteindre 300 orientations par semaine. Pour l'instant, nous sommes à 250. Il y a quinze jours, l'Etat a été capable de permettre 304 orientations en quatre jours. Quand on voit les résultats, on se dit que c'est possible. Le site a toujours été en mesure d'héberger 400 hommes seuls. En six mois, c'est donc la formation d'un campement de 10.000 personnes qui a pu être évitée. Il faut maintenant éviter l'effet montagne russe et assurer des orientations régulières.»
Envisagez-vous l'ouverture d'un nouveau centre dit de «premier accueil» à Paris ?
«Pour l'instant, on travaille sur l'ouverture de 50 places supplémentaires dans le centre. Et à terme, nous souhaitons passer de 400 à 600 places. Mais il faudrait peut-être penser à décliner ce genre de dispositif dans d'autres grandes villes françaises. Je pense que si l'on crée un centre similaire dans le nord de la France et un autre dans le centre, sur la route migratoire interne, on pourra trouver des solutions intéressantes et éviter que les arrivées soient concentrées sur Paris.
C'est une histoire de mobilisation. Je plaide pour une solidarité nationale concernant l'accueil des migrants en France. Car demain, nous risquons la réapparition massive de ces campements, tels qu'ils existaient fin 2016.»