Toute «clause Molière», par laquelle certaines collectivités territoriales veulent imposer l'usage du français dans les marchés publics dans le but de limiter le travail détaché, est illégale et doit être «traitée comme telle», rappelle une récente instruction interministérielle adressée aux préfets.
Datée du 27 avril, cette instruction est signée par quatre ministres: Myriam El Khomri (Travail), Michel Sapin (Economie), Mathias Fekl (Intérieur) et Jean-Michel Baylet (Aménagement du territoire). Elle rappelle aux préfets le cadre juridique à opposer aux collectivités territoriales dont les actes «tendraient à limiter, voire interdire, le recours aux travailleurs détachés».
La clause dite «Molière» est «illégale» car contraire au droit européen relatif au détachement de travailleurs et à la libre prestation de services. Elle «ne saurait non plus se réclamer valablement de la volonté de protéger les travailleurs, compte tenu des garanties qui leur sont apportées par le droit européen et national», poursuit l'instruction.
Pas d'obligation de parler ou de comprendre le Français
Si des mesures de protection des travailleurs peuvent être légitimes, elles ne doivent pas créer de «discriminations directes ou indirectes à l'égard des opérateurs économiques et des travailleurs d'autres Etats membres».
En outre, le droit national organise déjà «la lutte contre le travail illégal» et «l'emploi irrégulier de travailleurs détachés». En effet, le Code du travail impose à l'employeur détachant des salariés en France des obligations, dont l'application d'un «noyau dur de droits» en matière de durée du travail, de salaire minimum, de santé et de sécurité.
De plus, «un devoir de vigilance» renforcé par des dispositions législatives prises entre 2014 et 2016, incombe aux maîtres d'ouvrage et aux donneurs d'ordre.
Les maîtres d'ouvrage doivent notamment afficher sur le lieu de travail la réglementation en vigueur, «traduite dans l'une des langues officielles parlées dans chacun des Etats d'appartenance des salariés détachés».
Mais le Code du travail «n'impose pas l'obligation de parler ou de comprendre le français» aux ressortissants de l'UE, aux étrangers qui ne s'installent pas durablement en France, ni aux salariés détachés.
Ainsi, imposer la maîtrise du français est «discriminatoire» et «porte atteinte au principe d'égal accès à la commande publique».