Hausse des dépenses, protectionnisme et sortie de l'euro pour Marine Le Pen, prudence budgétaire, libéralisme et renforcement de l'intégration européenne pour Emmanuel Macron: le second tour de l'élection présidentielle met aux prises deux candidats aux visions diamétralement opposées de l'économie.
Quelle place pour la France dans le commerce mondial ? Quel avenir pour les entreprises tricolores et pour leurs salariés ? «On est sur deux philosophies, deux perceptions de nature très différentes», déclare à l'AFP Philippe Waechter, directeur de la recherche économique chez Natixis AM.
Au coeur des divergences: le rapport qu'entretiennent les deux candidats vis-à-vis de la mondialisation, perçue par l'un comme une chance économique et par l'autre comme une menace pour le système social français.
«Les grands succès économiques de notre pays sont tirés par la croissance du monde, nous n'avons plus le choix et c'est même notre chance», a déclaré au cours de la campagne Emmanuel Macron, voyant dans la mondialisation «une formidable opportunité».
«La mondialisation sauvage met en danger notre civilisation», lui a rétorqué dimanche soir Marine Le Pen, dénonçant la «dérégulation totale, sans frontière et sans protections», à l'origine selon elle des «délocalisations» et du «règne de l'argent-roi».
Barrières douanières versus CETA
En cas de victoire, la candidate frontiste, qui a fait du slogan «achetons français» sa marque de fabrique, a ainsi promis de renégocier les traités commerciaux internationaux et de rétablir des barrières douanières, en imposant une taxe de 3% sur certaines importations.
Elle propose par ailleurs de faire jouer la préférence nationale pour les marchés publics et de couper les ponts avec Bruxelles, avec une mesure radicale: l'abandon de la monnaie commune, accusée de plomber la compétitivité des entreprises françaises et le pouvoir d'achat des Français.
Marine Le Pen a la volonté affichée de «retrouver une souveraineté monétaire et économique», rappelle à l'AFP Emmanuel Jessua, économiste chez COE Rexecode, institut réputé proche du patronat. Son programme est ainsi «en rupture assumée avec la construction européenne», insiste-t-il.
Une politique à l'opposé de celle d'Emmanuel Macron, qui souhaite renforcer le libre-échange, en validant le CETA (accord commercial entre l'Union européenne et le Canada), et approfondir l'intégration européenne, via la création d'un budget propre à la zone euro.
Un choix binaire
Les deux candidats sont également en porte-à-faux sur la question des finances publiques. «Emmanuel Macron souhaite respecter la règle des 3% dès 2017», ce qui passe par une gestion rigoureuse des deniers publics, souligne Ludovic Subran, chef économiste chez Euler Hermès.
Le leader d'En Marche!, en dévoilant son cadrage budgétaire, a ainsi annoncé un plan de 60 milliards d'euros d'économies sur l'ensemble du quinquennat, via la suppression de 120.000 postes de fonctionnaires et sur une réduction des subventions aux collectivités territoriales.
Une prudence budgétaire qui le distingue de Marine Le Pen, qui annonce des embauches de fonctionnaires, une hausse de leur point d'indice, mais aussi une prime mensuelle de 80 euros versée par l’État pour tous les salariés qui gagnent moins de 1.500 euros par mois.
Face à ces dépenses nouvelles, la candidate du FN «propose bien sûr des économies», comme «la suppression des aides qui ne vont pas aux Français», reconnaît Ludovic Subran. Mais «on ne sait pas comment elle financerait une grande partie des dépenses qu'elle a prévues», ajoute-t-il.
Opposés sur les questions sociales
Les deux finalistes de la présidentielle, enfin, s'opposent sur les questions sociales. Unification des régimes de retraites, extension de l'assurance chômage aux indépendants, accent mis sur la formation... L'ancien ministre de l’Économie veut dessiner «un marché du travail qui fonctionne plutôt sur les contours de la flexisécurité à la scandinave», juge Emmanuel Jessua.
Marine Le Pen, à l'inverse, veut un retour de l'âge légal de la retraite à 60 ans et abolir la loi travail, qu'elle accuse de répondre à une «feuille de route de Bruxelles». Une façon de défendre «un modèle hérité des années 1960», souligne Philippe Waechter.
Pour les économistes de Bank of America Merrill Lynch, les électeurs seront ainsi confrontés à un choix binaire au second tour de la présidentielle: celui de la «prudence» ou du «relâchement budgétaire» d'une part, et de la «réforme du droit du travail» ou du «statu quo» d'autre part.