Pour Marek Halter, penseur de confession juive ayant grandi au sein des communautés musulmanes d’Asie centrale, le rapprochement entre les religions est une nécessité. Son nouvel ouvrage, Où allons-nous, mes amis ? (éd. Robert Laffont), prend d’ailleurs la forme d’un nouvel appel à la réconciliation. Mais l’auteur de 81 ans est plus que jamais inquiet face à l’évolution actuelle de la société.
Pourquoi avoir écrit ce livre ?
C’est un cri. Je regarde froidement le monde qui m’entoure, et j’ai peur. Nous avons, jusqu’à maintenant, fait fausse route. Dans la République, nous sommes tous égaux, mais on ne peut pas obliger tout le monde à avoir la même mémoire collective. Montaigne avait une phrase géniale et d’une simplicité absolue : «La haine vient de l’ignorance.» Si on connaît son voisin, son fonctionnement, on ne peut plus le haïr. On n’est pas obligé de l’aimer, mais on ne peut plus le haïr. C’est ce que j’ai essayé d’expliquer à mes contemporains de la manière la plus simple, la plus ludique possible.
Quelles sont les solutions ?
L’éducation est très importante. On peut introduire l’histoire des religions à l’école, ce qui pourrait passionner les enfants, leur ouvrir un peu les yeux sur les traditions des parents de leurs copains, qui ne sont pas les mêmes que les leurs. Il ne faut pas avoir peur de valoriser toutes les sensibilités en France. Je voudrais également organiser une marche des musulmans contre le terrorisme, de Molenbeek (en Belgique, ndlr) jusqu’au Bataclan. On entend tout le temps dire « les musulmans de France n’y sont pour rien, mais on ne les entend pas ». Or, je pense que c’est extrêmement important.
Vous décrivez une société en changement, à quoi est-ce dû ?
Je pense – peut-être est-ce un tort – que les vraies révolutions sont technologiques. Il y a eu l’âge de pierre, l’âge de bronze, l’invention du feu… Chaque révolution a été liée à une avancée technologique. Nous rentrons actuellement dans un monde tout à fait nouveau, sur le plan technologique. Les gens se rendent compte qu’il y a un passage important, et le changement leur fait peur.
Vous décrivez un véritable retour à la religion parmi la population…
L’homme ne peut pas vivre sans espoir. Depuis les Lumières, nous avons forgé des espoirs collectifs laïcs et universels. Le socialisme, le communisme, l’anarchisme, le libéralisme… Aujourd’hui, ça ne marche plus. On a vu le résultat et ce n’est pas probant. Il n’y a plus cette foi en ce monde qui allait changer, cet espoir collectif laïc est mort. Alors, il y a le retour à Dieu. Et si Dieu commence à jouer un rôle si important dans notre vie privée comme publique et même politique, alors prenons-le avec nous. Mais pour cela, il faut connaître la religion, et lire les textes.