Les convictions religieuses s'affichent de plus en plus au travail, principalement l'islam, et les cas conflictuels sont en nette hausse, même s'ils restent très minoritaires, selon une étude publiée jeudi.
Un total de 65% des salariés disent avoir observé en 2016 cette progression du fait religieux en entreprise, contre 50% en 2015, selon cette étude de l'Institut Randstad et de l'Observatoire du Fait religieux en entreprise (OFRE). Elle témoigne, selon les auteurs, du fait que «la présence du fait religieux» «s'affirme» et «se banalise» dans les entreprises, «la plupart du temps sans que cela pose problème». Plus de 60% des répondants sont d'ailleurs opposés à une loi sur la religion au travail.
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Dans 91% des cas, ces convictions religieuses s'expriment par des requêtes et pratiques personnelles comme les demandes d'absence pour une fête religieuse ou d'aménagement du temps de travail (planning, horaires), le port ostentatoire de signes religieux et les prières pendant les pauses. «C'est la majorité des cas et ils n'entravent pas le travail», dit M. Honoré. En revanche, «certains cas, minoritaires, sont conflictuels», «concentrés dans certaines entreprises» et «zones géographiques», relève-t-il. L'étude les chiffre à 9% du total des faits observés en 2016, contre 6% en 2015, 3% en 2014 et 2% en 2013, et cite pêle-mêle le «refus de travailler avec une femme ou sous ses ordres», celui de «faire équipe avec des non-coreligionnaires», «d'effectuer certaines tâches», le «prosélytisme» ou les «prières pendant le temps de travail».
«Les salariés se regroupent pour imposer leurs prières pendant le travail, ils s'approprient des lieux comme salles de prière, font pression sur le manager en l'accusant d'islamophobie... C'est à prendre très au sérieux car ce n'est plus une question de comportement, c'est une remise en cause de la loi républicaine et il faut être très ferme», ajoute M. Honoré. Pour lui, «l'entreprise a besoin d'actes forts politiques en amont». Selon cet universitaire, «15 à 20% des managers» sont concernés par ces cas conflictuels concentrés dans «certains secteurs de l'économie à la main-d'oeuvre peu qualifiée (équipementiers automobiles, BTP, traitement des déchets, grande distribution...)» et dans «les zones géographiques périurbaines».
Non au principe de neutralité
Dans le même temps, les encadrants de terrain semblent mieux armés pour faire face aux situations ayant trait au fait religieux, avec notamment une meilleure connaissance du cadre légal, selon l'étude. «Ils ont plus de repères, font bien la différence entre ce qui relève du radicalisme religieux et de demandes ayant trait à leur savoir managerial classique», dit M. Honoré. Sur 48% des managers confrontés à la question de l'expression des convictions religieuses au travail, ils sont 14% à avoir dû faire face à un fait conflictuel en 2016, contre 12% en 2015, selon l'étude.
Alors que la loi travail prévoit que le règlement intérieur des entreprises puisse «contenir des dispositions inscrivant le principe de neutralité et restreignant la manifestation des convictions des salariés» sous certaines conditions, 65% des personnes interrogées y sont opposées. Elles «ne souhaitent pas que l'entreprise impose à ses salariés la neutralité religieuse notamment par l'intermédiaire d'un règlement intérieur». Plus de 60% ne veulent pas d'une loi sur la religion en entreprise, selon l'étude. «Les personnes interrogées sont ouvertes à des réponses pragmatiques aux demandes des salariés ayant une dimension religieuse, mais non à ce que l'entreprise s'organise en fonction des prescriptions religieuses», commentent les auteurs.
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Par ailleurs, 80% des personnes interrogées «connaissent en général la religion de leurs collègues» et 82% n'en sont «pas gênées». Néanmoins, la «gêne est en nette hausse: 18% contre 8% en 2015», selon l'étude. L'enquête s'appuie sur 1.523 questionnaires en ligne remplis entre avril et juin 2016 dont 1.405 ont pu être exploités.