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Affaire Troadec : ce que l'on sait

La police a découvert des éléments troublants dans la maison des Troadec. [JEAN-SEBASTIEN EVRARD / AFP]

Le beau-frère de Patrice Troadec a avoué avoir tué les quatre membres de la famille disparue d'Orvault, a-t-on appris lundi de sources proches de l'enquête.

Placé en garde à vue en compagnie de la soeur de M. Troadec, le suspect a dit aux enquêteurs avoir tué les deux parents et leurs enfants en raison d'un différend sur un héritage mal partagé, a précisé l'une de ces sources.

Le procureur de la République avait annoncé lundi 27 février l'ouverture d'une information judiciaire notamment pour «homicides volontaires». «Cette procédure a été ouverte contre X des chefs d'homicides volontaires, enlèvements et séquestrations», d'après un communiqué du procureur Pierre Sennès, indiquant que deux magistrats instructeurs ont été désignés. On avait appris mercredi 1er mars qu'une fiche de recherche de la famille disparue près de Nantes avait été diffusée dès vendredi au niveau national à tous les services de police et de gendarmerie.

Elle requérait l'arrestation du fils, soupçonné à cette date d'avoir voulu supprimer les membres de sa famille. Mardi, un policier invitait toutefois à la prudence sur la seule piste du fils. Toutes les hypothèses à ce stade restent ouvertes, selon les enquêteurs. La fiche de recherche émise par la Direction générale de la police nationale (DGPN), à la demande du parquet de Nantes, a pour motif : «recherche dans le cadre d'une affaire de meurtre».

Dans ce document, accompagné des photos et identités des quatre membres de la famille Troadec, résidant à Orvault, près de Nantes, il est écrit que «les premiers éléments recueillis pourraient orienter l'enquête sur la personnalité du fils Sébastien». Les policiers le soupçonnaient vendredi «d'avoir mis en place un funeste projet visant à supprimer les membres de sa famille et peut-être lui-même». La fiche de recherche DGPN recommande de «procéder à l'arrestation de l'intéressé» et de le «placer en garde à vue».

Qui sont les membres de la famille disparue ? 

La famille Troadec est composée de quatre personnes, les parents, Pascal, 49 ans, Brigitte, 56 ans, et leurs deux enfants Sébastien, 21 ans, et Charlotte, 18 ans. Ils vivent dans une maison située à Orvault, près de Nantes (Loire-Atlantique). 

La mère travaille dans un centre d'impôts à Nantes, et aurait du reprendre le travail ce lundi. Le père, est depuis plus de dix ans employé dans une PME spécialisée dans la fabrication d'enseignes lumineuses. Des témoignages rapportés par les médias évoquent un penchant pour la boisson et il aurait souffert d'épisodes dépressifs. Les voisins et les proches ont également évoqué de bruyantes disputes entre lui et son épouse. 

Le fils, Sébastien, étudiait en 2è année de BTS Systèmes Numériques dans un établissement privé à Saint-Laurent-sur-Sèvre (Vendée). Le même lycée que fréquentait quelques années plus tôt un certain Arthur Dupont de Ligonnès, fils d'une famille assassinée à Nantes en 2011 et dont le père n'a toujours pas été retrouvé. Un élément pour le moins troublant, qui peut toutefois n'être qu'une coïncidence. Sébastien avait été mis en cause dans le cadre d'une affaire judiciaire au mois de novembre 2013 pour des faits de menaces d'atteintes aux personnes. Étant alors mineur, il avait été soumis à une procédure de réparation pénale mise en oeuvre sans incident.

Sa soeur, Charlotte, était étudiante dans le Maine-et-Loire. Le matin de la disparition, elle avait signalé l'utilisation frauduleuse de sa carte bancaire, qui aurait servi à payer des jeux vidéos. Les enquêteurs sont pour le moment incapables de dire s'il existe un lien entre cet épisode et la mystérieuse disparition. La famille, décrite comme très discrète par ses voisins, habitait la maison d'Orvault depuis une dizaine d'années. 

A lire aussi : Disparus d'Orvault : les traces de sang retrouvées appartiennent à la famille

Quels sont les éléments découverts dans la maison ? 

Les policiers ont découvert plusieurs éléments troublants lorsqu'ils se sont rendus au domicile des Troadec, alertés par la soeur de la mère de famille. Ils ont ainsi noté qu'aucun drap ne recouvrait les lits. Dans la salle de bains ne se trouvaient ni brosse à dents, ni brosse à cheveux. Et dans le réfrigérateur, plusieurs aliments étaient périmés. Le chauffage était coupé et des draps, pas tout à fait secs, étendus à l'intérieur. Du linge humide se trouvait encore dans la machine à laver. 

«C'est comme si la maison s'était arrêtée de vivre à un instant T», a ainsi déclaré dimanche à Presse Océan le procureur de Nantes. Les enquêteurs de la police judiciaire, saisis de l'affaire, ont également découvert des traces rosâtres sous l'escalier, «comme si du sang avait été essuyé sommairement», selon une source proche du dossier. Des éléments qui semblent indiquer un départ précipité.

Dans une pièce, au rez-de-chaussée, un téléphone portable et ses oreillettes, ainsi qu'une paire de chaussettes, étaient maculés de sang. Les analyses ont déterminé que celui-ci appartenait à un ou des membres de la famille, ce qui donne du poids à l'hypothèse criminelle.

Les enquêteurs ont établi que «les téléphones portables des membres de la famille (...) n'avaient plus été activés après le 17 février 2017». Le dernier à avoir émis un signal est celui de Sébastien, qui s'est éteint aux alentours de 3h cette nuit-là. Par ailleurs, «le véhicule utilisé par (le fils) Sébastien Troadec, stationné devant la maison, avait disparu». Les deux véhicules des parents ont été retrouvés au domicile.

Quelles sont les pistes privilégiées par les enquêteurs ? 

Les enquêteurs privilégient désormais la thèse d'un drame intrafamilial. C'est ce qu'il ressort des auditions et enquête de personnalité. «Le seul trait marquant de cette famille, c'est justement qu'il n'y en a pas, et qu'elle était d'une extrême discrétion», expliqué une source proche du dossier, rappelant les bruyantes disputes entre le père et la mère. 

Les enquêteurs s'intéressent particulièrement à la personnalité du fils, Sébastien, et aux rapports qu'il entretenait avec son père. «La relation avec le père semblait compliquée. Sébastien se sentait rabaissé, a confié l'un des ses amis. Il m'avait dit que son père buvait trop, mais je me méfiais, car il pouvait aussi raconter des trucs faux». Le jeune homme avait aussi posté des messages sans équivoque sur les réseaux sociaux : «De 20h à 2h du mat mon père gueulait. J'arrêtais pas de lui dire de fermer sa gueule», a-t-il notamment écrit sur Twitter en juillet 2013. 

Le jeune homme semblait perturbé, mal dans sa peau et parfois soumis à des pensées morbides. Et il y a deux ans il aurait selon des proches «pété les plombs», menaçant de mort les élèves de son lycées sur les réseaux sociaux. Il avait alors été condamné à des travaux d'intérêt général.

Mercredi 1er mars, on apprenait que la carte vitale de la fille Troadec, Charlotte, avait été retrouvée, ainsi que son pantalon.

Le lendemain jeudi, la police annonçait que le véhicule du fils Troadec, Sébastien, avait été retrouvée sur le parking de l'église Saint-Joseph de Méan-Penhoët, près du chantier naval de Saint-Nazaire. Il s'agit d'une Peugeot 308, qui était recherchée depuis le 17 février.

Le même jour, Le Parisien rapportait que des fouilles devaient être entreprises dans l'étang de Roual sur la commune de Dirinon (Finistère). C'est là qu'un pantalon et la carte Vitale de Charlotte Troadec, 18 ans, un manuel scolaire du père  et un drap ont été retrouvés mercredi. Des plongeurs de la gendarmerie avaient été mobilisés afin de sonder cet étang naturel qui alimente un moulin.

Des membres de la famille encore en vie ? 

Un ou plusieurs des quatre membres de la famille Troadec pourraient être encore en vie, a déclaré vendredi 3 mars le procureur de la République de Nantes, qui n'exclut ni «un drame familial» ni «l'intervention d'un tiers».

«Depuis lundi dernier, deux magistrats instructeurs sont chargés d'instruire cette affaire criminelle. (...) Leur travail est de mener les investigations qui doivent nous permettre, nous le souhaitons tous, d'interpeller un ou plusieurs criminels, je n'en sais rien, de découvrir une ou plusieurs victimes, je n'en sais rien, des victimes dont on ne peut pas exclure encore tout à fait aujourd'hui que peut-être certaines sont encore en vie», a dit le procureur Pierre Sennès. 

 

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