Vjéran Tomic, surnommé «l’homme araignée» pour ses talents de grimpeur, a été condamné ce lundi à huit ans de prison et à une amende colossale, après le vol spectaculaire de cinq toiles de maître au musée d’Art moderne de Paris, en mai 2010.
Deux receleurs ont également été condamnées, à six et sept ans de prison. Les toiles, cinq merveilles de Picasso, Matisse, Modigliani, Braque et Léger, restent introuvables. Pour avoir soustrait ces trésors au regard de l'humanité, les trois hommes ont été condamnés solidairement à payer une amende de 104 millions d'euros à la Ville de Paris, propriétaire des tableaux volés.
Les trois hommes ont quitté le tribunal menottes aux poignets. La peine la plus lourde a été infligée à Vjéran Tomic, dit «l'homme-araignée», 49 ans: huit ans d'emprisonnement et 200.000 euros d'amende, «sans qu'il y ait lieu d'envisager un aménagement de peine». Le tribunal correctionnel de Paris a relevé un «ancrage dans la délinquance», une «insuffisante prise de conscience des interdits légaux» chez celui qui parle de voler comme de son «travail».
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Le procureur avait requis dix ans de prison et 300.000 euros d'amende contre cet as de la varappe, un cambrioleur dont «le professionnalisme frise l'excellence», avec quatorze condamnations au casier.
Jean-Michel Corvez, un antiquaire de 61 ans pour qui M. Tomic avait déjà «fait des coups», a été condamné à sept ans de prison et 150.000 euros d'amende, ainsi qu'à une interdiction d'exercer le métier d'antiquaire ou de gérer un commerce d'objets d'art pendant cinq ans. A aussi été ordonnée la confiscation de sa propriété.
Le tribunal a considéré qu'il était le «véritable donneur d'ordre» du vol de tableaux, mandaté par un commanditaire: un «rôle pivot» en dépit de ses tentatives pour «minimiser» sa responsabilité.
Quant à Yonathan Birn, 40 ans, un horloger qui, «tombé amoureux» de la «Femme à l'éventail» (1919) de Modigliani, avait accepté de garder les toiles avant, selon lui, de «s'en débarrasser», il s'est vu infliger six ans d'emprisonnement et 150.000 euros d'amende.
Les tableaux toujours introuvables
A l'annonce de sa condamnation, M. Birn s'est récrié, bouleversé et parfois incohérent: «C'est une honte. J'ai rien fait de ces tableaux. Ils sont où les tableaux?» Il a brusquement enlevé son pull, laissant voir une étoile jaune avec l'inscription «juif» cousue sur sa chemise, dénonçant une redite de l'histoire. Menacé d'être évacué par les gendarmes, il s'est finalement rassis pour écouter la fin de la lecture du délibéré.
A côté, MM. Corvez et Tomic attendaient en silence, un petit sac avec quelques affaires à leurs pieds. Le président de la 32e chambre, Peimane Ghaleh-Marzban, a expliqué la condamnation de l'horloger par une «volonté réitérée et persistante de garder les tableaux volés», au point d'avoir voulu acquérir le Modigliani.
A la barre, les trois hommes avaient nié toute association de malfaiteurs: le voleur avait dit n'agir que sur commande sans connaître le receleur, l'antiquaire n'avait reconnu qu'une commande au voleur, sans jamais donner le nom du commanditaire.
M. Corvez avait assuré que M. Birn ignorait tout du vol et n'avait fait que "dépanner" en gardant les toiles. Sur ce point seulement, le tribunal a accédé à une demande de la défense, relaxant partiellement M. Birn des faits d'association de malfaiteur en vue de la commission d'un vol.
Lors du procès, début février, la défense avait cherché à ramener ce casse inouï à sa "juste dimension" de vol, fût-il d'objets d'arts. Me David Olivier Kaminski avait rappelé que M. Tomic, son client, n'était qu'un "monte-en-l'air", qui avait profité d'une incroyable défaillance des systèmes de sécurité du musée, où les détecteurs de mouvement étaient en panne depuis deux mois.
Venu pour la "Nature morte au chandelier" (1922) de Léger, il était reparti avec cinq oeuvres majeures, embarquant aussi le Modigliani, "Le Pigeon aux petits pois" (1911) de Picasso, "L'Olivier près de l'Estaque" (1906) de Braque et une "Pastorale" (1906) de Matisse.
On ignore où elles sont. Mais, fixant l'horloger dans les yeux, le président a répété que le tribunal ne disposait "d'aucun élément de certitude" permettant de dire que ces oeuvres ont été détruites.
Cette nuit du 20 octobre 2010, Vjéran Tomic s’était rendu au musée, initialement pour voler une toile de Fernand Léger. Il était reparti avec, en plus, un Picasso, un Matisse, un Modigliani et un Braque, le tout sans déclencher les alarmes, défaillantes au moment des faits.
Le préjudice est estimé à 109 millions d’euros. Les cinq tableaux n’ont pas été retrouvés, et le receleur affirme les avoir détruits. Une affirmation qui ne convainc pas les enquêteurs.