Dans le nord de Paris, les campements de migrants ont déjà été vidés à maintes reprises. Mais depuis plusieurs jours, les tentes igloo se multiplient, au moment où, à 300 kilomètres de là, la «Jungle» de Calais est démantelée.
Avenue de Flandres, place Jean-Jaurès, place Stalingrad, les files devant les marmites des distributions de repas s'étirent inexorablement.
«Il y a trois jours, on distribuait sept à huit cent repas. Aujourd'hui, on est à plus de mille. Je ne sais pas comment on va faire», confie Charles Drane, un coordinateur de l'ONG Adventist Development and Relief Agency (Adra) qui distribue des repas le midi sur l'avenue de Flandres (XIXe arrondissement). Dommage collatéral du démantèlement de la «Jungle» de Calais ?
La ministre du Logement, Emmanuelle Cosse, l'a assuré vendredi sur la chaîne Public Sénat : «Il n'y a pas d'arrivée massive de Calais sur Paris». «Beaucoup de migrants vont à Paris» en bus, par train ou en voiture, affirme au contraire à l'AFP une source de la police aux frontières du Nord : «Certains sont récupérés directement par des voitures venues de Paris».
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«Triangle des migrants» du nord parisien
«Difficile de dire d'où ils viennent mais une chose est sûre : ça grandit de manière inquiétante. Et il y a désormais des familles avec des enfants, parfois de quelques mois», souligne Violette Baranda, élue du XIXe arrondissement qui visite régulièrement ce «triangle des migrants» du nord parisien.
Les tentes, isolées à la hâte avec des bâches ou des couvertures de survie, s'entassent désormais sur plus de 700 mètres sur le terre-plein de l'avenue de Flandres, du linge sèche sur des fils tendus entre deux arbres, on discute sur une chaise de bureau à roulettes ou un fauteuil défoncé.
Sous le métro aérien place Stalingrad, une grande partie de l'espace a été grillagé après une évacuation policière mi-septembre. Mais le moindre bout de trottoir accessible est recouvert de dizaines de tentes. Quelques mètres plus loin, près de la station Jaurès, les tentes s'alignent le long du quai de Jemmapes, point de ralliement des Afghans.
La police attendue
«La police va venir bientôt ?», interroge Wahidullah Karimi, 26 ans, ancien ingénieur dans l'énergie. A Paris depuis un mois, il attend impatiemment avec quelques camarades une évacuation «pour pouvoir dormir au chaud, qu'on nous sauve de cette situation».
Comme eux, un ex-soldat de l'armée libyenne de 25 ans, qui veut rester anonyme, rêve d'un lit et d'un toit, «même dans une petite chambre avec trois ou quatre autres personnes». «La vie est difficile ici. Il fait froid, on mange et on s'habille avec ce qu'on nous donne, on se lave dans des douches publiques quand on peut ... On ne veut pas passer notre vie comme ça, dans la rue», explique-t-il dans un français correct.
Une évacuation aura lieu «dans les jours qui viennent», affirme-t-on à la Ville Paris. Cette opération ouvrira la voie à l'ouverture du premier centre d'accueil humanitaire pour les migrants de la capitale, d'une capacité initiale de 400 lits. Soudanais, Somaliens, Ethiopiens, Erythréens, Syriens, Libyens, Afghans ... «Il y a tous les malheurs du monde ici», sourit Ibrahim Zakaria, originaire du Darfour soudanais.
Aucun des migrants interrogés par l'AFP n'a eu vent d'arrivées depuis la «Jungle» ces derniers jours. Même si plusieurs y sont déjà passés, comme Bokaloi, revenu il y a un mois après y avoir passé vingt jours. «A Calais, c'était pas bon, il y avait beaucoup de mafias. Ici, il n'y a pas de violence mais c'est quand même dur», confie cet Algérien, emmitouflé dans un sac de couchage sur un matelas, sa capuche enfoncée sur la tête.
Un peu plus loin, un homme a mis son rêve par écrit sur l'arrière d'une tente : «No place like home» (rien de mieux que sa maison).