Tandis que la polémique sur le burkini enfle dans l'Hexagone, les titres de la presse étrangère affichent avec humour leur incompréhension et leur stupéfaction vis-à-vis un débat jugé stérile et contre-productif.
Dans les pays anglo-saxons, marqués par le multiculturalisme, c'est une consternation teintée d'ironie qui prime. Le quotidien britannique The Guardian s'est ainsi fendu d'un article moqueur intitulé «Cinq raisons de porter un burkini - et pas seulement pour embêter les Français». Rendre fous les médias, économiser de la crème solaire, mettre en lumière le ridicule de cette polémique... font partie des arguments atypiques défendus par la journaliste musulmane et voilée Remona Aly.
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Parmi les raisons invoquées pour porter le burkini, celle-ci évoque plus sérieusement une «célébration de la liberté» et une «diversification du mouvement de libération des femmes». Objectif : «défier l'idiotie» de ce scandale. «Est-ce qu'un maillot de bain intégral est plus offensant que la raie des fesses d'une dame âgée ?», interroge non sans humour la journaliste. Avant de pointer du doigt la responsabilité des représentants politiques, qui «parlent constamment d'intégration et d'inclusion, et s'arrangent ensuite pour mettre au ban de la société ces mêmes femmes qu'ils estiment exclues et oppressées».
Une interdiction «insensée», «sexiste» et «contre-productive»
Même constat, bien que davantage vitriolé, de la part du Telegraph. Le quotidien britannique dénonce sans filtre un «acte de fanatisme insensé», affirmant que «les vrais ennemis de la liberté ne sont pas les femmes qui portent des burkinis, mais les politiques qui veulent les interdire». En outre, assène le journal, «il n'y a aucune preuve que les femmes qui portent des burkinis soient liées de quelconque manière au terrorisme, et il n'y a aucune raison de croire que les bannir aidera à lutter contre les islamistes. Au contraire, cela risque d'aliéner et de mettre en colère les musulmans modérés.»
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«La France a trouvé la dernière menace à la sécurité : le burkini», titre ironiquement le New York Times dans son édition internationale du 13 août. Selon le quotidien américain, la polémique burkiniesque franco-française est «le dernier exemple des tensions entre l'engagement (...) de la France sur la laïcité et le désir de nombreux musulmans d'exprimer des valeurs traditionnelles, comme la modestie de leur tenue».
Je pense que l'International New York Times se fout un peu de notre gueule #burkini pic.twitter.com/qpb9q6QpXQ
— Raphael (@RaphaelLorLou) 13 août 2016
«Le burkini interdit sur les côtes françaises - pour protéger les gens», s'amuse quant à lui le quotidien The Independent dans un article web datant du 12 août, avant de publier trois jours plus tard - sans rire cette fois - un éditorial intitulé «Les hommes blancs d'âge mûr comme moi n'ont pas le droit de dire aux femmes de ne pas porter le burkini», dénonçant une décision «mauvaise et contre-productive».
«Les autorités devront désormais distinguer les nageurs en burkini et ceux en combinaison de plongée», moque la chaîne BBC dans la légende d'une de ses photos.
© Capture BBC
«Après tout, le burkini n'est qu'un simple maillot de bain»
Une décision tout bonnement «stupide et sexiste», selon le Huffington Post dans sa version outre-Atlantique. «Toutes les femmes qui décident de porter un burkini ne sont pas musulmanes, justifie le site d'information. Des juives orthodoxes ont ainsi expliqué qu'elles portaient des tenues de ce type par respect pour leurs croyances. D'autres femmes se sentent tout simplement plus à l'aise sans exposer leur corps.»
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Le journal espagnol El Pais ironise quant à lui sur l'argument de l'hygiène, défendu avec sérieux par le maire de Cannes. «Si c'est un problème d'hygiène, il faudrait peut-être alors réfléchir à l'interdiction des maillots, des lunettes de plongée et des combinaisons thermiques pour les frileux», s'amuse le quotidien. Même argument prôné par le journal italien Corriere della Sera, pour qui l'exigence de l'hygiène n'est qu'un prétexte : «Quant à l'hygiène, que dire de tous ces vacanciers, notamment ceux venus du Nord, qui se baignent en tee-shirt pour se protéger du soleil ?».
Listant les différents attentats qui ont frappé la France depuis janvier 2015, El Pais estime certes que l'inquiétude est une réaction légitime, mais prévient : «De la précaution et des ressources nécessaires pour lutter contre le terrorisme, à l'intolérance irrationnelle, il y a un pas que la France ne doit pas franchir». Avant de conclure : «Après tout, le burkini n'est que ceci : un simple - et supposé incommode - maillot de bain».
Il y a près de 100 ans, on sanctionnait les femmes qui osaient porter des maillots trop courts. #burkini pic.twitter.com/jU2y28LbP6
— Patrice Reviron (@PatriceReviron) 16 août 2016