Sa mort à 18 ans avait causé un vif émoi et Clément Méric est devenu depuis une icône pour les «antifas» : trois ans après, le parquet a demandé un procès aux assises pour quatre skinheads impliqués dans la bagarre qui a coûté la vie à l'étudiant.
Le 5 juin 2013, dans l'après-midi, des skins et des antifascistes s'étaient croisés par hasard dans une vente privée de vêtements aux marques prisées par les deux mouvances, en plein cœur de Paris, quartier Saint-Lazare. Après des invectives, une brève rixe était survenue dans la rue, laissant à terre l'étudiant de Sciences-Po. Sa mort avait fait resurgir le spectre des violences de l'extrême droite, à l'époque où des militants violents causaient des incidents lors des manifestations contre le mariage homosexuel.
Un «assassinat» dénoncé par Manuel Valls
Alors ministre de l'Intérieur, Manuel Valls avait dénoncé un «assassinat» et le Premier ministre Jean-Marc Ayrault promettait de «tailler en pièces» les groupuscules d'extrême droite. Dans la foulée, le gouvernement avait dissous Troisième Voie, dont étaient issus les skinheads, et son service d'ordre, les Jeunesses nationalistes révolutionnaires (JNR), que dirigeait Serge Ayoub, un vétéran de la mouvance.
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Mais les juges d'instruction se sont orientés vers la thèse d'une bagarre qui tourne au drame. Ils avaient écarté une intention de tuer dans les mises en examen, notamment à l'égard des deux principaux mis en cause, Esteban Morillo et Samuel Dufour, âgés de 23 ans, remis en liberté après plus d'un an de détention provisoire.
Dans ses réquisitions, datées du 29 juin, le parquet de Paris demande leur renvoi aux assises pour violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner, a appris l'AFP jeudi de source judiciaire. S'il demande aussi qu'ils soient jugés pour port d'arme, en l'occurrence un poing américain, le ministère public ne retient pas son utilisation dans les coups qui ont été portés à Clément Méric, a précisé la source.
Si les juges d'instruction suivent les réquisitions, les deux autres skinheads, 36 et 38 ans, seront jugés pour violences volontaires en réunion et avec arme.
Les camps s'accusent mutuellement
L'enquête a tenté d'établir le scénario qui a conduit à la mort de l'étudiant, militant de l'Action antifasciste Paris-Banlieue. Le 5 juin 2013, Clément Méric et Esteban Morillo ne sont pas encore là quand les deux groupes se croisent. Selon plusieurs témoins, des invectives partent des militants d'extrême gauche, qui disent avoir vu les skins ranger des poings américains, dans le magasin. De leur côté, les skins appellent des renforts, dont Esteban Morillo.
L'un des vigiles demande aux antifascistes de partir, mais ces derniers, rejoints par Clément Méric, restent dans la rue. Le vigile demande aux skinheads de sortir par la droite, pour éviter toute rencontre. Mais ils choisissent de partir à gauche. Chaque camp s'accuse ensuite d'avoir provoqué l'autre.
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Trois ans après, des doutes demeurent, notamment sur l'éventuelle utilisation d'un poing américain pour frapper Clément Méric. Des SMS de Samuel Dufour au soir des faits, révélés par une expertise, vont dans ce sens. «J'ai frappé avec ton poing américain», disait l'un d'eux. «On les a défoncés», disait un autre. Mais si Morillo reconnaît avoir frappé à deux reprises le jeune «antifa» au visage, seulement à poing nu, Samuel Dufour assure ne pas l'avoir touché.
Les expertises médicales, contradictoires sur certains aspects et dont aucune ne tire de conclusion totalement définitive, n'ont pas aidé à y voir plus clair.