Alors que les jeunes se sont encore mobilisés ce jeudi contre la réforme du Code du travail, le sociologue Michel Fize, auteur de Jeunesses à l'abandon (Ed. Mimesis), revient sur les aspirations d'une génération désenchantée.
Que peut-on dire de la colère qui s'exprime actuellement dans la rue ?
Elle est justifiée. Les jeunes sont inquiets, et ce n'est pas une découverte, puisque cela fait trente ans qu'ils sont confrontés à la même précarité, au même chômage de masse. Mon diagnostic est que cette situation globale est naturelle, puisque tous les voyants sont au rouge.
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A quoi aspire cette génération ?
Ils ne veulent pas plus que les autres. Mais pas moins non plus. Pouvoir avoir un travail, un logement, aller chez le médecin quand cela est nécessaire, s'offrir de temps en temps un loisir... Toutes choses qui sont interdites faute de revenus. Ils ne sont pas là pour faire la révolution, changer la vie ou changer le monde, mais revendiquer une place, leur place, dans la société. Au nom de la justice sociale.
D'autres générations antérieures se sont battues pour les libertés, le droit des femmes... Des idéaux oubliés ?
Les grands combats d'hier, comme les droits des femmes, ont été menés en leur temps. Ils continuent d'ailleurs à l'être, mais de manière plus confidentielle. Il ne faut surestimer la capacité révolutionnaire des aînés. En mai 68, tous n'étaient pas des révolutionnaires. Mais alors qu'auparavant, on se battait pour des idéologies alternatives, pour un idéal, pour changer le monde, aujourd'hui, les jeunes n'ont plus d'alternative au libéralisme. Le pire étant que le jihadisme est, malheureusement, l'une des seules voies de substitution.
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Tout ceci dans un processus plus individualiste...
La France est passée d'un système collectif de classes sociales à un individualisme généralisé. L'intérêt personnel prime. Les jeunes ne sont aujourd'hui pas plus individualistes que les autres, mais ont été élevés dans cette idée.
Qu'en est-il des jeunes vis-à-vis de la politique ?
On sait aujourd'hui que le premier parti de France, c'est l'abstention. Les jeunes sont massivement abstentionnistes. Et ceux qui votent ont tendance à aller aux extrêmes. Avant c'était à gauche, aujourd'hui c'est à droite.
Comment définir la jeunesse d'aujourd'hui ?
La jeunesse, et cela vaut pour le monde entier, est abandonnée à son destin, si destin il y a. Il y a donc des moments "prétextes" comme aujourd'hui, avec la loi travail, où elle trouve une opportunité d'exposer ses rancoeurs accumulées. Ayant subit, elle sort du silence.