Jawad Bendaoud, l’homme qui a logé Abdelhamid Abaoud après les attentats de Paris, a expliqué à la justice avoir été motivé par le seul appât du gain.
Bêtise, appât du gain ou sympathie pour la cause ? Le profil de Jawad Bendaoud ne lasse pas d’intriguer. Les enquêteurs disposent désormais de suffisamment d’éléments troublants pour le suspecter lui et une de ses connaissances, Mohamed S., d'avoir sciemment hébergé des personnes en cavale.
D’une part parce que c’est Jawad Bendaoud en personne qui a accueilli Abdelhamid Abaaoud, sa cousine Hasna Aït Boulahcen et un troisième terroriste la veille de l’assaut des policiers, vers 22h30. Moyennant 50 euros par nuit, le marchand de sommeil fournissait ce logement sans eau courante. D’autre part, parce que des échanges de SMS entre Jawad Bendaoud et sa petite amie apportent de précieux renseignements sur le lien qu’a pu faire le «logeur» entre les fugitifs et les attentats de Paris et Saint-Denis.
"Je m’en doutais, mais je voulais l’argent"
Après l'assaut du RAID, Jawad Bendaoud a par exemple reçu deux textos de sa petite amie : «Je m’en doutais putain» et «Je te l’avais dit en plus, c’est chelou». Jawad Bendaoud aurait alors répondu «Tous les mecs de ma rue, hier, ils rigolaient, ils m’ont dit t’es un OUF, tu ramènes des mecs de Belgique, deux frères MUS. (…) Sur le coran de La Mecque c’est des terroristes, nous on rigolait, bah on s’en bat les couilles, moi je les héberge. (…) Les mecs ils viennent de Belgique, ils me demandent de quel côté on fait la prière, ils me disent on est fatigué, on veut dormir, on a passé trois jours de fils de pute, 150 euros pour trois jours, pourquoi ils ont pas été à l’hôtel ? (…) Vazy même moi j’ai trouvé ça suspect les mecs… »
Confronté à ces éléments, Jawad Bendaoud aurait fini par admettre devant les enquêteurs: « J’ai douté, il y avait un truc pas clair, mais je ne vais pas prendre vingt ans pour ça, (…) je m’en doutais, mais je voulais l’argent.»
Des relevés téléphoniques troublants
Enfin d’autres éléments intriguent les enquêteurs. Et notamment les relevés téléphoniques de Jawad Bendaoud et de Mohamed S. Le premier a été en contact avec un numéro belge lui même en contact avec un autre numéro belge dont les bornages révèlent qu’il a effectué un parcours dans Paris proche de celui des terroristes le soir du 13 novembre. Le second était en contact avancé avec Hasna Aït Boulahcen et à échangé de nombreux SMS avec elle notamment pour organiser la planque du trio à Saint-Denis. Mohamed S. serait selon Le Monde celui qui « était le plus susceptible de connaître le pedigree des fugitifs.»
Par ailleurs, s'il se dit non pratiquant, Jawad Bendaoud a reconnu devant les enquêteurs «avoir un jour laissé entendre qu’il pourrait s’inspirer des meurtres de Mohammed Merah». Et si rien ne permet d’affirmer qu’il a reconnu Abdelhamid Abaaoud au moment de lui louer l’appartement, il a admis avoir regardé des vidéos du jihadiste belge durant l’un de ses séjours en prison. «Tout le monde regardait des vidéos de lui en prison, s'est-il défendu. Vous croyez que je lui aurais loué mon appartement si je l’avais reconnu » a-t-il plaidé. La même antienne que celle servie de façon hallucinante à BFMTV au petit matin de l’assaut du Raid.