Le gouvernement a annoncé mardi soir qu'il n'appliquerait pas le nouveau mode de calcul, contesté, de l'allocation adulte handicapé (AAH) tel qu'il était prévu dans le projet de budget, ce qui marque un nouveau renoncement fiscal pour 2016.
Mardi déjà, Manuel Valls avait annoncé le report d'un an de l'entrée en vigueur de la réforme controversée des dotations aux collectivités territoriales. Ce week-end, le gouvernement a annoncé l'extension à 2015 et 2016 du maintien de l'exonération des impôts locaux pour les retraités aux revenus modestes. Concernant l'AAH, la secrétaire d'Etat aux Personnes handicapées Ségolène Neuville a assuré dans l'hémicycle de l'Assemblée mardi soir que le gouvernement avait entendu les "inquiétudes des associations, des familles, des personnes handicapées mais aussi des parlementaires". Par conséquent, il a été "décidé de ne pas appliquer cette mesure (sur le mode de calcul de l'AAH) en l'état, au regard de son impact sur les ressources des personnes concernées", a-t-elle déclaré à l'occasion de l'examen du volet du budget sur la solidarité et l'insertion.
Le projet de budget prévoyait de prendre en compte à partir de 2016 dans le calcul de l'AAH les intérêts non imposables des comptes d'épargne, tels que le livret A, dans le cadre d'un processus d'harmonisation entre minima sociaux. Cela aurait réduit le montant de l'AAH (actuellement 807 euros par mois au maximum) pour les bénéficiaires ayant de l'argent de côté, mais surtout leur aurait fait perdre des droits connexes qui ne sont ouverts qu'à ceux qui touchent l'AAH à taux plein (complément de ressources de 179 euros par mois, ou majoration pour la vie autonome de 105 euros mensuels), avait notamment dénoncé l'Association des paralysés de France (APF).
"Résultat de la mobilisation des associations"
Les députés socialistes, les écologistes et l'UDI avaient appelé mardi le gouvernement à revoir sa copie. "Dans le cadre de la mission qui lui a été confiée sur les minimas sociaux par le Premier ministre, (le député PS) Christophe Sirugue devra nous faire des propositions sur la simplification des minimas sociaux dans leur globalité", a précisé Mme Neuville. Plusieurs orateurs se sont aussitôt félicités de l'annonce gouvernementale. Philip Cordery (PS) a évoqué une "bonne nouvelle", tandis que Stéphane Saint André pour les radicaux de gauche a souligné que cette "mesure injuste risquait d'anéantir les efforts du gouvernement en direction du handicap". Arnaud Richard (UDI) s'est aussi dit "satisfait que (le gouvernement) revienne à la réalité" et Lionel Tardy (Les Républicains) a salué "le résultat de la mobilisation des associations" face à un "projet très douteux".
L'APF était à l'origine d'une pétition dénonçant une volonté du gouvernement de faire "main basse" sur les ressources des personnes handicapées. L'association avait calculé que, "pour quelques dizaines d'euros" tirés des intérêts de leurs livrets d'épargne (205 euros par an maximum sur un livret A), ces personnes perdraient "1.257 à 2.151 euros par an" de ressources. "Cette recette (issue des livrets d'épargne) est une recette (fiscale) de poche qui est illusoire, qui est vexatoire, blessante pour les familles", avait estimé à la mi-journée le député Olivier Faure, vice-président du groupe PS, relayant la demande de révision de ses collègues.
La coprésidente des députés écologistes, Barbara Pompili, avait jugé de son côté que "faire comme si c'était un minimum social comme les autres est une grave erreur, car c'est une allocation pour compenser un handicap". De son côté, le président du groupe UDI Philippe Vigier avait écrit au Premier ministre pour dénoncer un "racket" sur les bénéficiaires de l'AAH et appeler le gouvernement "à se ressaisir". Le vice-président du FN, Florian Philippot, avait aussi dénoncé dans un communiqué "un véritable coup de massue antisocial". Lors des questions au gouvernement mardi, en réponse à l'UDI, Mme Neuville avait assuré qu'il "ne s'agit pas de pénaliser quelqu'un qui a mis quelques centaines d'euros de côté sur un livret A". Elle avait dit travailler à "des propositions destinées à limiter les effets de seuil" concernant les compléments de ressources, avant l'arbitrage rendu dans la soirée.