L’avocat général avait réclamé le double. Dominique Cottrez a été condamnée jeudi à neuf ans de prison par la cour d'assises du Nord pour le meurtre de huit de ses nourrissons juste après leur naissance.
La cour d'assises du Nord, où elle était jugée depuis le 25 juin, n’a pas retenu la préméditation pour le premier meurtre survenu en 1989, mais le "dessein arrêté" pour les sept autres. Les jurés ont aussi pris en compte l'altération de discernement.
Soulagée, cette ancienne aide-soignante, qui risquait la perpétuité, a indiqué qu’elle ne fera pas appel. L'avocat général non plus. Cette décision clôt six jours d’audience à chercher une explication pour cet octuple infanticide, le plus grave qu’ait connu la France.
Des problèmes psychiques
Devant la cour d'assises de Douai, l'ancienne aide-soignante de 51 ans a essayé d’expliquer l'inexplicable. De mettre des mots sur le traumatisme de son premier accouchement et sur les remarques malintentionnées de la sage-femme sur son obésité qui ont développé chez elle une véritable phobie du corps médical.
"Ce qui devait être le plus beau jour de sa vie va se transformer en catastrophe monumentale. Ça l'a détruite", a rappelé son avocat Maître Carlier.
Plus jamais, elle n’ira consulter un médecin, même pour un contraceptif. Et lorsqu’elle a été enceinte, elle espérait un miracle à chaque fois, avant de finir par tuer le bébé, sans pour autant se débarrasser du corps. Dans sa chambre, la salle-de-bain, ou au garage, ils resteront près d’elle.
Son époux, Pierre-Marie Cottrez, ainsi que ses deux filles, pouvaient-ils ignorer ces bébés, entreposés tour à tour dans le panier à linge, les placards et le garage de la maison familiale ? C'est ce qu'a considéré la justice, en concluant au non-lieu les concernant.
Des aveux de mensonges
À partir de 1989, à chaque grossesse, prenant des congés ou profitant des déplacements professionnels de son mari, Dominique Cottrez se rendait donc dans la salle de bains. Là, elle avait des serviettes, pour y accoucher et étrangler à mains nues le nouveau-né, qu'elle plaçait d’abord dans un sac-poubelle.
Pour tenter de justifier ces actes, Dominique Cottrez avait invoqué en 2010, l’inceste. Elle avait, un temps, expliqué avoir tué ses bébés par peur qu’ils soient de son père. Mais, cette semaine, sa version s’est effondrée. Elle a avoué n’avoir jamais été violée et ne pas avoir eu de relation incestueuse avec son père. Les tests ADN avaient déjà confirmé que les enfants qu'elle a tués étaient ceux de son mari. "L'explication d'inceste nous rassurait, mais nous endormait aussi", a lancé l'avocat général, mercredi.
Un mari qui n’a rien vu
Les six jours d’audience ont aussi été l’occasion pour cette ancienne aide-soignante de revenir sur les rapports qu’elle entretenait avec son mari. "Je n’ai jamais rien vu", a expliqué, vendredi, Pierre-Marie Cottrez. Comment a-t-il pu ignorer les bébés entreposés à deux mètres du lit, dans la garde-robe ou dans le garage ? l'a questionné la cour.
Mais, les interrogations de la juge ont eu beau l’accabler, celui-ci a toujours assumé, presque candidement, le désintérêt pour la vie du foyer. "Du moment qu'elle préparait bien la gamelle du mari, ça suffisait. C'est terrible à dire mais c'était une bonne mère ", a expliqué son avocat.
Aussi, Dominique Cottrez qui s’occupait de la maison, subissait en plus des rapports sexuels non voulus avec son mari. Quand elle lui disait non, il la tenait par les épaules, a-t-elle expliqué à la cour. "Pierre-Marie a des besoins, résume l’avocat de Dominique Cottrez, deux-trois fois par semaine. Elle, elle n’aime pas ça, elle n’a aucun plaisir, mais elle veut faire plaisir à son mari. C’est une agression, jour après jour, année après année."
Des questions restent en suspens, en particulier de savoir qui a bien pu enterrer les deux premiers corps dans le jardin de la maison des parents de l'accusée. Leur découverte, le 24 juillet 2010 par le nouveau propriétaire de l'habitation à Villers-au-Tertre, avait lancé l'affaire.
Les six autres cadavres avaient été retrouvés dans le garage de Dominique Cottrez. À l'issue du procès, Dominique s'est levée, et a demandé pardon, à ses deux filles, à ses frères et sœurs, à ses petits-enfants. Le reste s'est perdu dans ses larmes.