Ils veulent museler davantage la menace qui pèse sur la France. Le rapporteur Jean-Pierre Sueur (PS) a présenté mercredi les conclusions de la commission d’enquête sénatoriale, réclamée l’an dernier par les centristes, visant à renforcer la lutte contre les filières jihadistes.
Six mois d’entretiens auprès de dizaines de spécialistes, dont des experts en terrorisme et des membres du gouvernement, ont été nécessaires. A la clé, 110 propositions émises pour apporter, à ce fléau grandissant, «une réponse globale et sans faiblesse».
Améliorer la détection de la radicalisation des individus
De Merah à Coulibaly en passant par les frères Kouachi, les attentats perpétrés en France ont prouvé la difficulté de détecter les individus radicalisés. Pour soigner le mal à la racine, la commission propose la mise en place de formations obligatoires de détection pour tous les acteurs de terrain. Délivrées en situation, elles concerneraient enseignants, conseillers d’éducation, éducateurs sportifs, assistants sociaux, ou encore professionnels de la santé mentale.
Pour affiner ce repérage, une grille d’indicateurs est réclamée afin de détecter les signes : ruptures relationnelles, contestations en classe, changements vestimentaires et alimentaires… Par ailleurs, un numéro vert (0 800 005 696) d’assistance aux familles des adolescents suspects a été lancé par l’Etat l’an dernier. Mais il ne fonctionne que du lundi au vendredi, de 9h à 18h. Il conviendrait donc de l’étendre 24h/24, et de mieux le faire connaître, grâce à une large campagne de communication.
Renforcer la surveillance des détenus islamistes en prison
La prison étant un «lieu propice» à la radicalisation, le rapporteur veut agir derrière les barreaux. Première des priorités, le renseignement pénitentiaire, qui dispose de moins d’une vingtaine d’agents pour des missions de plus en plus nombreuses. Il est préconisé de porter leur nombre à 100. Autres acteurs concernés, les aumôniers pénitentiaires.
La France compte 681 catholiques pour 182 musulmans, aussi les besoins spécifiques de chaque établissement devront être connus. Enfin, les sénateurs souhaitent accompagner les détenus radicaux lors de leur retour dans la société. A l’instar de ce qui existe au Danemark ou en Allemagne, ils souhaitent la mise en place d’un programme de prise en charge des condamnés pour terrorisme, six mois avant leur sortie, et s’étendant au moins deux ans après.
Assécher le financement du terrorisme et ses ramifications
L’argent est un des nerfs de la guerre. La cellule spécialisée de Bercy, au sein de Tracfin, compte une quinzaine d’agents, mais ses activités ont augmenté de 40 % depuis 2013. Il faut, selon le rapport, doubler ses effectifs. Dans le viseur des sénateurs, aussi, les cartes prépayées rechargeables.
Pour empêcher les aspirants jihadistes de s’équiper, la commission préconise de réduire leur plafond à 500 euros, et de renforcer les justifications d’identité lors de leurs achats. Enfin, au niveau international, l’installation d’un programme européen unifié de surveillance des transactions bancaires est souhaitée. Un système adopté par les Etats-Unis après 2001.
Muscler les contrôles aux frontières de l’Europe
Pour empêcher les jihadistes de partir se former et de revenir, un renforcement des contrôles est réclamé dans les aéroports. La Police de l’air et des frontières (PAF) doit pouvoir contrôler la destination ou la provenance des voyageurs au plus près des passerelles de débarquement.
Autre idée, celle de créer un profil «combattant étranger» dans le système d’information Schengen, qui compile des renseignements sur les individus recherchés. Enfin, il est réclamé la création de gardes-frontières européens.