La Cour d'assises de Metz a acquitté vendredi soir un homme de 44 ans qui était accusé du meurtre en 2007 d'un ancien militaire, dont le corps n'a toutefois jamais été retrouvé.
Dans l'énoncé de leur verdict, les jurés ont acquitté Ayhan Erdogan du meurtre de Jean Manenti, disparu dans la nuit du 5 au 6 octobre 2007. Le parquet avait requis 18 ans de réclusion.
Ayhan Erdogan est ressorti libre du procès. Il a été reconnu coupable du seul incendie de la voiture de la victime qui avait été retrouvée deux jours après sa disparition, et condamné à 18 mois ferme sans mandat de dépôt, peine entièrement couverte par la période passée en détention provisoire.
Doute
"Un doute assez grand subsistait sur le fait que M. Erdogan ait donné volontairement la mort à M. Manenti", a commenté après l'énoncé du verdict, Me Philippe Quatreboeufs.
L'avocat a fait part de la déception de la partie civile. Celle-ci "a toujours pensé que M. Erdogan était impliqué dans la disparition de M. Manenti".
Aucun aveux
Impassible et rigide, Ayhan Erdogan n'est jamais passé aux aveux durant son procès, qui s'était ouvert mardi. L'accusé était l'amant d'une femme éthiopienne, avec laquelle il avait une petite fille, dont il réclamait la garde.
Un ancien militaire du 1er régiment d'infanterie de Sarrebourg (Moselle), Jean Manenti, aidait financièrement cette femme, qui l'appelait son "pigeon", tout en le considérant "comme un frère". Il voulait l'aider à déménager et à échapper à l'emprise d'Erdogan, qui la battait.
"Jean Manenti est mort"
Après la disparition du militaire, la voiture de la victime avait été retrouvée brûlée deux jours plus tard à Réding (Moselle).
"Sept ans et cinq mois après les faits, nous n'avons pas d'autre certitude: Jean Manenti est mort" et "ça ne peut pas être autre chose qu'un meurtre", avait soutenu l'avocat général Jean-François Tritschler lors des débats.
Car Jean Manenti avait des projets: il voulait renouer avec sa fille unique qui allait fêter ses 12 ans, et dont il était divorcé de la mère. Il songeait à revenir en Ariège, dans la région de ses parents.
Ayhan Erdogan, qui "confond orgueil et honneur", voyait sa "toute-puissance" sur sa maîtresse remise en cause par l'intervention de M. Manenti, selon l'avocat général.
"Un doute non négligeable"
La nuit de la disparition de M. Manenti, les relais téléphoniques ont démontré qu'Ayhan Erdogan s'était trouvé à proximité de son domicile, dans le secteur de Sarrebourg. Puis dans les environs, en forêt, où l'avocat général a estimé qu'il a enterré le corps, "dans cette terre d'humus et de sable où il est si facile de creuser".
La justice a pourtant longtemps tergiversé avant de renvoyer M. Erdogan devant les assises en septembre dernier. Après sa mise en examen en 2013, le parquet de Metz avait requis un non-lieu quelques mois plus tard, en raison d'un doute "non négligeable".
Les autres pistes
"Il y a d'autres pistes dans ce dossier qui n'ont pas été investiguées" suffisamment, a affirmé vendredi Me Catherine Hesse, l'une des deux avocates de M. Erdogan.
D'autres personnes gravitant autour la maîtresse de l'accusé auraient pu en vouloir à Jean Manenti, comme dans l'entourage de son ex-femme, a-t-elle dit. Elle a aussi mis en doute la précision de la localisation via les relais de téléphonie mobile.
"Je n'ai pas tué monsieur Manenti, je suis innocent", a déclaré l'accusé d'une voix faible, avant que la cour et les jurés ne se retirent pour délibérer.
Le parquet a deux semaines pour faire appel.