Près de quatre mois après le drame survenu à la maternité d'Orthez (Pyrénées-Atlantiques), la Cour des comptes a relancé vendredi le débat sur le sort des petites structures, préconisant des contrôles renforcés et d'éventuelles fermetures.
Sollicités par la commission des Affaires sociales du Sénat, les sages de la rue Cambon se sont penchés sur la situation des maternités en France, dans un rapport rendu public vendredi.
Leur constat est sans appel : plus que "nécessaire", une "nouvelle phase de réorganisation" du réseau des maternités est "inévitable".
Traduction, de nouvelles fermetures sont à prévoir, les difficultés financières ou de recrutements rencontrés par certains établissements menaçant la sécurité des patientes.
Depuis les années 1970, la tendance est à la fermeture des petites maternités en raison d'une politique de réduction des coûts et des risques.
Politique matérialisée en 1998 par des décrets fixant à 300 accouchements par an le seuil minimal d'activité pour les maternités.
Ainsi, les deux tiers des établissements ont fermé depuis 1972, rappelle la Cour des comptes, qui en recensait 544 en 2012. Mais "un nombre significatif de petites maternités a été maintenu".
Dans sa ligne de mire, 13 petites structures réalisant moins de 300 accouchements par an, notamment à Die (Drôme) - 177 accouchements en 2013, la plus faible activité enregistrée en France - ou à Ussel (Corrèze), où il est signalé "des risques avérés en matière de sécurité".
Déserts médicaux
La France enregistre des "résultats médiocres" en matière de périnatalité, occupant le 17e rang européen pour la mortalité néonatale (dans les 27 jours suivant la naissance), avec un taux de 2,3 pour 1.000.
Elle s'illustre également "par un manque persistant d'efficience", la durée de séjour restant "significativement plus élevée que chez nos principaux voisins européens (4,2 jours en France pour un accouchement normal en 2011) et les taux d'occupation "médiocres".
S'appuyant sur ces chiffres, il est préconisé notamment de "contrôler la sécurité du fonctionnement des maternités bénéficiant d'une autorisation d'ouverture par dérogation au seuil de 300 accouchements par an" et de "les fermer sans délai en cas d'absence de mise en conformité immédiate".
Une recommandation qui ne manque pas de susciter l'indignation des défenseurs des petites structures, leur sort restant un sujet "sensible", comme le rappelle la Cour des comptes elle-même.
Elle invite donc les pouvoirs publics à appliquer une politique volontariste plutôt que d'attendre la survenue d'un drame pour agir. Et le rapport de citer le cas d'Orthez, où la mort d'une patiente en octobre a accéléré la fermeture de la maternité, déjà menacée en raison d'un manque de personnel.
Vers une pénurie de gynécologues ?
Pour le principal syndicat de gynécologues obstétriciens, le vrai problème réside justement dans ces difficultés de recrutement, liées au manque d'attractivité de la profession.
"On est dans la redondance depuis des années : on s'attaque aux petites structures en s'acharnant à vouloir les fermer", a déclaré à l'AFP le Dr Jean Marty, président du syndicat national des gynécologues obstétriciens de France.
Quelque "200 obstétriciens sont formés chaque année en France, et la moitié abandonne finalement l'obstétrique" parce que c'est "pénible, risqué" et cela représente beaucoup de responsabilités", dénonce-t-il.
"Ce n'est pas parce qu'on va fermer une quinzaine de structures que le problème de fond va être réglé", a-t-il ajouté.
La sénatrice Laurence Cohen (PCF) a pour sa part reproché à la Cour des comptes de "mettre en danger les maternités de proximité", demandant "un moratoire sur toutes ces restructurations et fermetures au nom de la sécurité et de l'égalité d'accès aux soins".
L'association Osez le féminisme s'est également inquiété du rapport, rappelant qu'une femme a perdu son nouveau-né fin 2012 "en accouchant sur l'autoroute A20, faute de parvenir à temps à la maternité de Brive, en Corrèze".
La "sécurité ne doit pas se payer au prix de déserts médicaux et d'usines à bébés (maternités à forte activité, ndlr) promus par une vision ultra-libérale des dépenses de santé", ajoute l'association dans un communiqué.