Blocages de zones industrielles et de dépôts pétroliers, opérations escargot et barrages filtrants, notamment dans l'Ouest: les routiers en grève pour les salaires maintenaient la pression lundi, à la veille d'une séance de négociations qui s'annonce "très tendue" avec le patronat.
"La mobilisation s'explique par un ras le bol" de la profession, explique Christophe Provost (CGT) à Rennes. "Pour se faire un salaire potable, il faut faire 220 heures par mois, on peut pas continuer comme ça", dit le syndicaliste.
En début de matinée, la rocade rennaise était "saturée", ainsi que tous ses accès, selon le Centre régional d'information routière. Au moins 300 poids lourds sont bloqués au niveau de la sortie Route de Lorient, d'après M. Provost.
Même scénario à Caen, où près de 160 camions sont immobilisés sur une voie du périphérique sur une dizaine de kilomètres. "Quelques centaines" de poids lourds étaient aussi bloqués dans un centre routier proche de la rocade, selon la police.
"Depuis 2013 il n'y a pas eu d'augmentation conventionnelle, on tiendra le coup quoi qu'il arrive!", prévient Jean-Louis Delaunay (CGT), qui participait à l'opération escargot.
Routier lui-même depuis 30 ans, le syndicaliste a indiqué qu'il gagnait aujourd'hui "1.741 euros net, ancienneté comprise et c'est 2% au-dessus de la convention..."
Le mouvement de grogne a été lancé par une intersyndicale CGT, FO, CFTC et CFE-CGC en décembre, après une dernière séance de négociation annuelle obligatoire (NAO) jugée infructueuse.
Proposition améliorée
Syndicats et organisations patronales se retrouvent mardi et jeudi à Paris pour relancer les discussions. Sans grand espoir.
Les négociations "s'annoncent très tendues", a indiqué à l'AFP Patrice Clos, le responsable de FO Transports, qui réclame une revalorisation salariale de 5% pour tous les salariés.
Le patronat devrait présenter mardi une "proposition améliorée" de "1% à 2% de hausse selon les coefficients", a expliqué Nicolas Paulissen, délégué général de la Fédération nationale des transports routiers (FNTR).
En 2014, un seul des quatre coefficients en vigueur (qui servent de base aux négociations salariales) dans le transport routier - celui des salariés les plus qualifiés - dépassait le Smic (9,61 euros bruts par heure en 2015).
L'organisation patronale déclare ne pas avoir "les marges de manoeuvre suffisantes" pour répondre à ces revendications, qui sont "en décalage avec les réalités économiques des entreprises", selon elle.
Les grévistes ont annoncé la couleur: ils poursuivront leur grève "au moins jusqu'à mardi" et espèrent "développer la mobilisation, créer de nouveaux points de tension dans le nord et l'ouest de la France", selon Jérôme Vérité, numéro un de la CGT Transports.
D'après son collègue Thierry Mayer, tous les accès de la zone industrielle de Carquefou, près de Nantes, sont bloqués par une cinquantaine de grévistes. "Personne ne rentre, personne ne sort", selon lui.
En région parisienne, les routiers ont ciblé le port de Gennevilliers (Hauts-de-Seine), le premier d'Ile-de-France. Chaque année, 20 millions de tonnes de marchandises transitent sur cette plateforme, "où quasiment tout le pétrole d'Ile-de-France est distribué", selon Pascal Goument (CFTC-GND).
Ne pas lâcher
Dans la partie sud du pays, de nombreux blocages étaient aussi organisés, comme au marché de gros de Corbas, dans la banlieue est de Lyon.
Au sud de Bordeaux, plus d'une centaine de camions étaient bloqués le long de l'A63 à proximité de la zone industrielle de Cestas (tri postal, entrepôts et bases logistiques), où un barrage filtrant est installé.
Les automobilistes peuvent passer sur la voie de gauche mais les perturbations engendraient des gros ralentissements jusqu'à la rocade, à une dizaine de km au nord.
"Les transporteurs le prennent bien, certains viennent nous rejoindre et boire le café avec nous. Des automobilistes aussi, qui ont l'air de comprendre, et pour certains nous disent de ne +pas lâcher+", a assuré Marc Rosa, de la CGT Transports Gironde.
A Marseille, trois opérations escargot ralentissaient le trafic autoroutier lundi matin en direction de la ville, depuis l'ouest, l'est et le nord.
Mais vers 10H00, les difficultés étaient "en train de se résorber" autour de la ville, selon le Centre régional d'information et de coordination routières (CRICR) Méditerranée.
Sur l'A51, entre Aix-en-Provence et Marseille, Bison Futé relevait ainsi 7 km de bouchons, contre 14 km vers 09H00. Le CRICR signalait toujours toutefois une circulation "perturbée" aux entrées de la ville.