L’attaque d’un couple juif a suscité l’émotion et l’indignation. Elle rappelle aussi que les actes antisémites sont encore courants en France.
Derrière le simple cambriolage, un acte odieux. L’agression perpétrée en début de semaine à Créteil (Val-de-Marne) contre un jeune homme et sa compagne, ciblés par trois individus parce qu’ils étaient juifs, a provoqué une vague d’indignation dans le pays.
Il a une fois de plus rappelé avec violence que l’antisémitisme est une réalité en France. Et ravivé de sombres souvenirs : le calvaire d’Ilan Halimi, ou encore les atroces assassinats de jeunes écoliers commis par Mohamed Merah. La communauté juive, plus que jamais, se trouve dans l’inquiétude.
Valls dénonce l’«horreur»
Après l’attaque de lundi, la réaction des autorités ne s’est pas fait attendre. Alors que le ministre de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve, avait affiché mercredi sa «détermination à lutter sans relâche contre toute forme de racisme», Manuel Valls est à son tour monté au créneau hier.
Apportant son soutien aux victimes, le Premier ministre a montré sa fermeté : «L’horreur de Créteil est la démonstration immonde que la lutte contre l’antisémitisme est un combat de tous les jours», a-t-il déclaré sur Twitter. Avant que le président François Hollande ne condamne ce «mal (qui) traverse nos sociétés», appelant les Français à «ne pas faire comme si nous n’avions rien vu, mais au contraire (à) tout voir» de ce fléau.
Un dégoût et une colère qui animaient aussi les représentants religieux. Pour le Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif), ces faits ne sont rien d’autre qu’une «agression antisémite sauvage». L’Union des mosquées de France (UMF) a, elle, souhaité «interpeller la société» sur ce genre d’attaques. La mobilisation se poursuivra dimanche, avec le «rassemblement républicain» prévu dimanche à Créteil, le lieu du drame.
Un climat préoccupant
Ces prises de parole indiquent l’importance du phénomène, constaté mois après mois en France. Car le drame de Créteil est loin d’être un cas isolé. Les actes antisémites ont explosé au cours des sept premiers mois de 2014, en comparaison avec 2013, selon le Service de protection de la communauté juive (CPCJ).
Tags racistes, courriers injurieux, agressions verbales, incendies, violences physiques… Au total, 527 attaques ont été recensées sur l’ensemble du territoire (+91 %). Un bilan chiffré qui va de pair avec un climat non moins préoccupant : le dernier rapport de la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) indique que la France a été, ces dernières années, et pour la première fois depuis 1990, le théâtre d’une «baisse de la tolérance» vis-à-vis des Juifs.
Le grand rabbin de France lui-même, Haïm Korsia, évoquait hier la persistance de préjugés «abjects». «Les Juifs vivent en France depuis deux mille ans, mais ils en viennent à être considérés comme des parias», constate avec amertume le président du Crif, Roger Cukierman. Une intolérance devenue insupportable selon lui : «Dans quel pays vit-on, s’interroge-t-il, où le mot «juif» est devenu une insulte, et où il est préférable de ne pas porter de kippa dans le métro ?».